Dans la nuit du 13 au 14 août, des glissements de terrain se sont brutalement déclenchés depuis les hauteurs entourant la capitale sierra-léonaise, et la boue a dévalé en direction des habitations. Elle a provoqué la mort brutale de centaines de personnes, fauchées dans leur sommeil. Au lendemain de cette tragédie, des fosses communes ont dû être creusées à la hâte, pour enterrer les restes des victimes. Des morceaux de corps sans identité, peu à peu tirés des décombres de leurs maisons. « C’est bien pire que pendant la guerre, ou même durant l’épidémie de fièvre Ebola, commente un sauveteur. Là, au moins, on avait les noms des gens, leur date de naissance, les familles pouvaient venir se recueillir. Aujourd’hui, c’est l’urgence la plus absolue, on ne peut prendre le temps d’enquêter. Il faut à tout prix éviter les épidémies, protéger les vivants des morts, en quelque sorte. » Le 21 août, la morgue centrale estimait déjà à 500 le nombre des victimes, mais ce chiffre ne cesse d’augmenter.
Des secours d’urgence ont rapidement été organisés. Les pluies ayant balayé les structures sanitaires existantes et contaminé les puits non protégés, l’eau était devenue impropre à la consommation. Pour délivrer de l’eau potable, l’ONG Action contre la faim a par exemple installé huit citernes d’eau de 5 000 litres dans les communautés affectées, remplies deux fois par jour de façon à assurer les besoins des familles. Parallèlement, ses équipes ont distribué des kits d’hygiène à deux cents foyers, contenant des seaux, des bidons, des pastilles de désinfection de l’eau, des savons pour la lessive et la toilette, des protections hygiéniques et de la javel. Par ailleurs, soixante-quatorze foyers ont également reçu de l’eau en bouteille durant l’installation des citernes.
La commune la plus touchée, c’est Regent, une banlieue de Freetown. Ce n’est ni une zone huppée, ni un bidonville, mais une commune comme il y en a aujourd’hui de plus en plus dans le pays, composée de demeures « en dur », pierres et ciment, où vivent des gens plutôt aisés et de baraques en planches occupées par les plus pauvres. La « mixité sociale » comme on dit en Europe, y fait se côtoyer familles nombreuses, jeunes couples, réfugiés ou déplacés et personnalités politiques.
Le problème de ces zones densément peuplées est le même que dans toute la sous-région : il n’y a jamais eu de plan d’urbanisation. Après la guerre civile, les gouvernements successifs sont sont davantage préoccupés du redressement économique de ce petit pays autrefois prospère, ravagé par une sanglante rébellion, que d’architecture et d’urbanisme. Résultat : à partir des résidences construites pour certaines lors de la fondation de la cité par les Britanniques en 1787 – l’objectif initial étant d’implanter des colonies de peuplement composées d’esclaves affranchis – à l’extrémité de la péninsule, le nez vers l’océan, s’est développée une ville aujourd’hui coincée entre mer et collines, où vivent collés-serrés plus d’un million deux cent mille habitants.
Nul besoin d’être grand clerc pour comprendre comment la terre, saturée d’eau, a pu dévaler la pente en direction du fond de la cuvette, entraînant tout sur son passage. Et la saison des pluies ne cessera pas avant octobre…