Les Seychelles s’engagent dans la lutte contre la piraterie avec des moyens limités, mais beaucoup de volonté et de courage.
Deux pêcheurs seychellois, Rolly Tambara et Mark Songoire, ont été enlevés par les pirates somaliens, le 2 novembre dernier, dans les eaux territoriales seychelloises, à 65 miles à l’ouest de l’île de Mahé, l’île principale. Le détournement du FV Aride a été confirmé par des photos prises par un avion de surveillance espagnol qui le montre ancré dans le port d’Habya. Depuis la première attaque contre des bateaux de pêche seychellois, en février 2009, cinq navires seychellois ont été attaqués et capturés, onze marins ont été kidnappés puis libérés après paiement de la rançon. Selon le ministre seychellois de l’Environnement, des Transports et de l ‘Énergie, Joël Morgan, qui dirige également le Comité de haut niveau sur la piraterie, il n’est pas dans les habitudes des pirates somaliens de s’attaquer à un bateau d’une aussi petite taille. Une équipe de négociateurs est prête à intervenir dès que leur revendication sera connue. Les pêcheurs seychellois sont de plus en plus exposés, les pirates attaquant toujours plus près des côtes de l’archipel. Quelques jours plus tôt, un navire taïwanais avait réussi à mettre en échec ses agresseurs et demandé l’aide du Garde côte seychellois, le Topaze chargé de ramener le bateau et l’équipage à bon port, à Victoria.
La piraterie est vécu comme un véritable « fléau » par les Seychellois et l’impact sur l’économie de ce « petit État en développement », selon la désignation de l’ONU, basée sur la pêche et le tourisme, n’est pas négligeable. La pêche représente 23% du PIB et 95% des exportations. Le port de Victoria est le plus grand centre de transbordement de thon du sud de l’océan Indien, 85% des captures des senneurs français et basques (Espagne) y sont débarqués et alimentent la conserverie de thon. Les prises de thon ont diminué de 20% depuis les attaques somaliennes, et, selon le gouvernement seychellois, la perte enregistrée est de 12% par an, tandis que la conserverie a baissé de 11%. Cinq thoniers ont quitté la zone pour aller pêcher dans l’océan Atlantique et, pour l’année 2011, les pertes concernant la pêche sont évaluées à 3 millions d’euros. Le tourisme enregistre, également, des pertes significatives, soit un déficit estimé à 6 millions d’euros en 2011, pertes dues en grande partie au changement de destination des croisiéristes et à l’image que développe la piraterie et à la quasi disparition de la plaisance au long cours dans les eaux seychelloises.
La crainte du gouvernement de voir certaines des 115 îles de l’archipel, dont une majorité ne sont pas habitées, devenir des sanctuaires pour les pirates, est partagée par la communauté internationale dont les intérêts économiques sont menacés par la piraterie dans cette zone de l’océan Indien, route essentielle des pétroliers et des porte-conteneurs géants. La surveillance maritime et aérienne est assurée par Atalante, depuis neuf ans par l’Union européenne. Viennent s’ajouter l’opération Ocean Shield (OTAN-depuis 2009), le soutien de la Russie, des Émirats arabes unis, de la Chine et de l’Inde. Mais l’immensité de la zone économique exclusive seychelloise et l’éloignement des zones de pêche par rapport aux zones surveillées ne permettent pas une couverture totale.
Les Seychelles se sont engagés, avec leurs moyens limités mais avec beaucoup de volonté et de courage, dans la lutte contre la piraterie. Depuis 2009, 85 présumés pirates ont été capturés et jugés à Victoria. Vingt ont été condamnés à des peines de prison allant de 10 à 23 ans. Des nouvelles forces militaires vont être déployées sur les îles pour assurer la sécurité de la population et des touristes et la surveillance aérienne et maritime va être renforcée à proximité des îles. Mais tout cela a un coût, un coût très élevé pour un État qui compte 90 000 habitants et dispose de ressources limitées et vulnérables. La position seychelloise est, donc, très claire : si l’on veut éradiquer la piraterie somalienne, il faut voir à long terme et la communauté internationale doit procéder à une approche plus globale de la question. C’est l’appel qu’a lancé, une nouvelle fois, le président James Michel après la dernière attaque. La communauté internationale doit intensifier ses efforts pour intervenir en Somalie et ramener la stabilité dans le pays. « Le problème de la Somalie n’est pas le problème des seules Seychelles, c’est un problème international, a-t-il répété. La communauté internationale doit, aussi complexe soit-il, faire en sorte que la loi et l’ordre soient restaurés en Somalie. Ce n’est qu’alors que le problème des pirates sera résolu. On a laissé la situation en Somalie se dégrader depuis trop longtemps ». Selon James Michel, il est désormais urgent d’agir dans ce sens car « la Somalie peut devenir un nid de terroristes et l’ensemble de la communauté internationale est concernée ». En Somalie, par ailleurs, les pirates ne sont pas toujours perçus favorablement par la population, contrairement à l’idée largement partagée. Pour exemple, selon le service d’information et d’analyses humanitaires du Bureau d’aide humanitaire de l’ONU, en 2009, la population d’Eyl (Puntland) s’est opposée à des pirates qui avaient séquestré un bateau de pêche et son équipage indien et bengalais. Après avoir demandé l’intervention des autorités du Puntland, les pêcheurs ont été libérés, pris en charge par les anciens du village et confiés aux autorités. À Eyl, « personne n’en veut », déclarait une habitante à propos des pirates, exprimant, apparemment, un avis largement partagé dans la petite ville.