La guerre contre l’islamisme et le terrorisme va-t-elle rapprocher l’Algérie et le Maroc ?
Quelle est l’importance de la réunion des MAE de l’UMA convoquée par l’Algérie pour examiner la situation au Mali et au Sahel et qui a eu lieu le lundi 9 juillet ?
C’est en effet la première fois que l’Algérie accepte la participation du Maroc, mais dans un cadre collectif, celui de l’Uma, actuellement une coquille vide, dans un tel processus. Le communiqué final de la réunion souligne en effet la nécessité de lutter contre les menaces qui pèsent sur la région du Maghreb dans le cadre d’une « approche intégrée et coordonnée » entre les pays de l’UMA et la nécessité de mettre en place un partenariat sécuritaire entre les Etats de l’UMA et la région du Sahel, tout en confirmant la participation des pays maghrébins à la prochaine conférence sur le partenariat, la sécurité et le développement dans la région du Sahel « Alger 2 ». Jusqu’ici le Maroc a été exclu du Comité d’état-major opérationnel conjoint entre l’Algérie, le Mali, la Mauritanie et le Niger, créé en août 2009 et basé à Tamanrasset. La mission impartie à ce comité était de « de coordonner » les opérations de lutte contre les groupes terroristes qui évoluent dans les régions frontalières. Il s’est également exclu de toutes les structures dépendant de l’Union africaine en raison de la reconnaissance par cette dernière, héritière de l’OUA, de la République sahraouie (RASD).
Les divergences entre le Maroc et l’Algérie sont profondes. Outre la question du Sahara, Alger considérait jusqu’ici que la lutte contre le terrorisme et le trafic en tous genre dans le Sahel ne concernait pas le Maroc. Ce dernier répliquait en accusant le Polisario de soutenir le terrorisme et le trafic dans cette région. Plus profondément, l’Algérie, comme l’Union africaine, a catégoriquement condamné l’intervention de l’Otan et des monarchies du Golfe en Libye, alors que le Maroc s’y était associé. Le Maroc avait exprimé dernièrement son souhait d’utiliser la force contre les séparatistes maliens, alors qu’Alger refuse catégoriquement le recours aux armes, privilégiant la voie politique. Les ministres des AE de l’UMA ont donc endossé la position algérienne en affirmant « la nécessité de trouver une solution politique à la crise dans ce pays de manière à garantir son intégrité territoriale et lui éviter une intervention militaire, insistant sur l’importance d’exploiter tous les espaces de dialogue et de négociation disponibles. »
Il s’agit donc d’un pas important dans le sens du rapprochement entre les deux pays, mais sans retombées pratiques sur le terrain tant que la question du Sahara n’est pas réglée.
La réunion d’Alger intervient au moment ou de réelles craintes sur la stabilité de l’ensemble sahélo-maghrébin, le Moyen Orient et l’Europe du Sud sont évoquées. Le spectre de l’émergence d’un nouvel Afghanistan à l’Afrique de l’Ouest est sur toutes les lèvres. Le nouveau ministre français de la Défense, Jean-Yves Le Drian l’admet lui-même. A la question » La France va-t-elle s’engager contre le danger islamiste au Mali ? », le ministre répond que « l’adoption jeudi à l’initiative de la France de la résolution 2056 du Conseil de sécurité, » est « déjà un pas important qui en appelle d’autres. Cette résolution envisage explicitement le recours à la force sous réserve d’une proposition africaine. » « Il faut maintenant que l’Union africaine trouve les voies et les moyens de la mise en œuvre d’un tel dispositif, qui sera soumis à une nouvelle résolution, mais ce n’est pas la vocation des forces françaises. Si cette initiative appelle un soutien d’autres acteurs, il serait souhaitable que celui-ci soit européen. » Le Sahel, poursuit le ministre, « risque d’apparaître demain comme un sanctuaire du terrorisme, un nouvel Afghanistan miné par l’islamisme au cœur de l’Afrique. On a sous-estimé politiquement la fragilité du Mali et les conséquences de la chute de Kadhafi, dont une partie des milices soutenant le régime sont passées au Mali ». On croit rêver ! La France et l’Otan n’avait pas daigné consulter les Africains (et les Algériens et les Mauritaniens, les seuls à s’y être opposer), quand ils avaient décider d’attaquer la Libye. On leur demande maintenant de payer les pots cassés. Le bourbier sahélien menace désormais en premier lieu les pays africains, mais les apprentis qui ont ouvert une boite de pandore en Libye, seront ex aussi éclaboussés par les retombées de cette catastrophe (Nigéria, Corne de l’Afrique, Maghreb et Europe).