Le Dr Walid al Moallem n’est plus. C’est une immense perte pour la Syrie, confrontée depuis dix ans à une agression dont on ne voit pas la fin.
Par Michel Raimbaud
Rarement on aura vu un ministre des affaires étrangères mériter à tel point son nom. D’un calme olympien, toujours maître de lui-même, ayant le sens de la répartie brève mais incisive, il était par excellence le professeur, le maître, celui qui enseigne. Courtois et ferme, c’était également un diplomate né, et bien né.
La force tranquille et la sérénité qui émanaient en toute circonstance de sa personne et de son comportement donnait l’impression qu’il ne serait jamais pris au dépourvu face à toute l’adversité du monde, et Dieu sait à quel point la Syrie avait besoin d’un homme intelligent, expert et loyal comme Walid Al Moallem.
Il a certes eu la chance, au milieu de tout le malheur ambiant, d’avoir à défendre, non pas une cause pourrie comme tant et tant de ses homologues ou collègues, mais une cause juste entre toutes : défendre son pays victime d’une agression criminelle organisée par une bonne moitié de la « communauté internationale », et confronté à la sauvagerie, au cynisme des pays occidentaux, de leurs clients et affinitaires, sans oublier certains « pays frères ». Du jamais vu.
Il y aurait beaucoup à dire et à retenir de la longue carrière de cet homme fidèle, ce qui n’est pas si courant par les temps qui courent. Parmi les fioretti qu’il a laissés en héritage, on pourra se rappeler, à titre d’exemple, un épisode légendaire. Nous sommes en Suisse à Montreux, en janvier 2014, lors d’une conférence sur le conflit syrien, et le Secrétaire d’État d’Obama, John Kerry, vient de déclarer sur un ton péremptoire que « Bashar Al Assad ne prendra pas part au gouvernement de transition en Syrie. C’est inimaginable ». On voit encore le placide ministre Al Moallem pointant du doigt son collègue américain, le doigt levé comme un maître d’école fustigeant un cancre : « Monsieur Kerry, personne au monde n’a le droit de conférer ou de retirer la légitimité à un président, à une constitution ou à une loi, sauf les Syriens eux-mêmes. ». Et le dit Monsieur Kerry de se frotter le nez pour masquer son embarras….
Le courageux ministre n’aura pas eu la joie de voir de son vivant le retour de la paix. Serait venu, paraît-il, le temps « des guerres sans fin, silencieuses et/ou invisibles » sur lesquelles les experts occidentaux sont capables de disserter jusqu’à plus soif, ne voyant pas péché dans les crimes qu’ils cautionnent. Mais là où il est, le regretté disparu, n’en doutons pas, veille sur le pays qu’il a si bien servi, comme il veille sur une diplomatie résistante, loyale et sereine, malgré les pressions, les intimidations, voire les tentatives de débauchage, une diplomatie de qualité et de grande classe, formée à la meilleure des écoles, celle de Walid al Moallem.
Qu’il repose en paix et que la Syrie trouve enfin le repos dans la paix.
Michel Raimbaud
Écrivain, ancien ambassadeur de France