L’homme d’affaires congolais demeurant en Angola, à qui tout semble réussir, s’engage pour le départ de Joseph Kabila.
Un nouvel acteur a fait irruption en août dernier sur la scène politique de la République démocratique du Congo. Il s’agit de l’homme d’affaires d’origine congolaise Sindika Dokolo, 45 ans, mécène reconnu de l’art contemporain africain et gendre du président angolais sortant, José Eduardo dos Santos.
Né au Congo, Sindika est le fils du banquier Augustin Dokolo et de Hanne Kruse, danoise. Il s’engage en mai dernier au service du pays de ses ancêtres paternels en faisant livrer des produits alimentaires (riz, farine, huile, etc.) aux quelque 35 000 réfugiés congolais ayant fui les violences au Kasaï, où la population civile est prise en étau entre forces régulières et milices gouvernementales et le mouvement rebelle Kamuina Nsapu. « Je me rends bien compte que ce que je fais n’est qu’une goutte d’eau, mais je ne pouvais pas rester immobile face à ce déchaînement de misère », a-t-il alors confié au quotidien La Libre Belgique.
Mais, au-delà de l’humanitaire, son geste a une autre signification : marquer son « écœurement » face à cette « boucherie ». « Je ne supporte plus la barbarie quotidienne qui sévit en RDC », a expliqué l’homme d’affaires. Et de mettre en cause les responsables politiques congolais qui devraient selon lui donner une réponse à la crise alors que, dans le meilleur des cas, ils jouent un rôle neutre, donc irresponsable, voire instrumentalisent ces catastrophes. Tout a été orchestré depuis trois ans pour ne pas aller aux élections, dénonce Sindika Dokolo, pointant les relations tissées entre le pouvoir et le chef de milice Gédéon Kyungu « un criminel reconnu ».
Depuis des mois, il ne cache plus sa proximité avec l’ancien gouverneur du Katanga Moïse Katumbi, forcé à l’exil en Belgique par « une parodie de procès ». En juin, Sindika Dokolo l’a rencontré à Bruxelles en compagnie de Félix Tshisekedi, fils du défunt vétéran de l’Union démocratique pour le progrès social, Étienne Tshisekedi. Sindika Dokolo dément avoir des ambitions politiques personnelles, arguant que la RDC n’a pas besoin d’un candidat supplémentaire. Mais il a hâte de faire bouger les lignes.
Le 10 août dernier, il franchit un nouveau pas, en postant depuis Londres une vidéo sur les réseaux sociaux dans laquelle il annonce la formation d’un nouveau mouvement citoyen dénommé Congolais Debout, allusion à l’hymne national (Debout Congolais). L’objectif est de conscientiser la population au respect de la Constitution qu’aurait violée Kabila en restant vissé à son fauteuil au-delà du délai légal. Le mouvement, qui se veut non partisan, est ouvert à tout individu. Dans une interview à Radio France internationale du 28 août, Sindika Dokolo, précise sa pensée : il fallait, explique-t-il, « un mouvement basé sur la stratégie d’une très large adhésion, un mouvement de masse, proposer une organisation différente de Lucha et Filimbi qui s’exposent beaucoup et représentent la jeunesse ». Cédric Mala, un des coordinateurs de Debout Congolais, annonce des actions futures telles que des manifestations pacifiques, des sit-in et dit vouloir s’appuyer sur le recours aux nouvelles technologies et au marketing en ligne.
Le pouvoir avait senti venir le danger : en juillet dernier, il a obtenu d’un tribunal de Kinshasa une condamnation à un an de prison ferme de Sindika Dokolo pour « fraude immobilière ». L’intéressé interprète cette sanction comme une « sentence de nature politique ».
Compte tenu de son statut marital l’unissant à la fille de l’ancien président angolais, la tentation est grande de voir la main de Luanda derrière l’engagement du businessman-mécène. Mais, selon des sources angolaises, la réalité est probablement plus nuancée. Sindika Dokolo n’incarne pas la volonté du pouvoir angolais, mais les autorités le laissent faire, d’autant que les relations ne sont pas bonnes entre Luanda et Kinshasa. La crise du Kasaï avec ce qu’elle implique comme fardeau humanitaire pour l’Angola, et la perspective de voir l’instabilité se propager chez ce dernier avec le risque de conséquences encore plus graves suscitent indiscutablement un mélange d’inquiétude et d’irritation à Luanda. De plus, nombre d’accords passés entre les deux pays n’ont pas été ratifiés ou mis en exécution. C’est le cas de l’exploitation de pétrole dans ce qui avait été convenu comme étant une zone maritime commune, causant la suspension de travaux pour sa mise en production.