Le Qatar, selon les analystes de Stratfor, risque de se trouver confronté économiquement à une double menace : la concurrence de marchés plus compétitifs comme les États-Unis et la baisse de ses revenus gaziers.
Le Qatar est l’un des pays les plus stables du Moyen-Orient et n’a pas connu les soulèvements populaires auxquels nous assistons depuis plus d’une année dans la région. La combinaison de sa richesse en gaz naturel liquéfié (GNL) – il est le premier exportateur mondial – et cette stabilité lui permet de jouer un rôle important sur la scène internationale. Cela pourra-t-il durer ?
Situé à un endroit stratégique du Golfe arabo-persique étape historique du commerce de la soie, des perles et du pétrole brut, ne bénéficiant pas de ressources en eau potable – il importe aujourd’hui 90% de ses produits alimentaires et ne dispose que de deux jours de réserve d’eau propre à la consommation – cet émirat de 1,7 millions habitants dont les Qatari ne représentent que 20%, réellement indépendant depuis 1971, était l’un des plus pauvres du monde jusqu’à la naissance de l’industrie des hydrocarbures. Offensif dans la région, il a refusé, comme le Bahreïn, d’adhérer à la fédération des Émirats arabes unis (EAU) et a été à l’origine de la création du Conseil de coopération du Golfe (CCG), en 1981. Dirigé par la famille al-Thani, avec à sa tête le Sheikh Hamad Ibn Khalifa al-Thani, il est étroitement protégé par les États-Unis qui y ont installé leur commandement militaire central pour la région et des forces navales importantes, depuis 2002.
L’arrivée de Sheikh Khalifa au pouvoir après un coup d’État de palais qui renversa son père, en 1995, a ouvert le Qatar au monde, avec en premier lieu, la création de la chaîne Al-Jazira dont l’influence sur les masses arabes n’est plus à démontrer, le développement des investissements dans le GNL et une volonté de présenter une alternative à sa puissante et très conservatrice voisine, l’Arabie saoudite.
Les exportations d’hydrocarbures représentaient 50% du PNB, en 2011 bien que le Qatar possède de faibles réserves de pétrole, à la différence de ses voisins, et s’il perçoit moins de revenus, le prix du GNL étant inférieur à celui du pétrole brut, son PNB est quand même passé de $17,5 milliards en 2001 à $127 milliards en 2010.
Stabilité intérieure, absence de tensions religieuse, meilleure relations que ces voisins avec l’Iran avec lequel il partage l’exploitation du gigantesque champ de gaz du North Field sur la côte Nord du Qatar, ont permis au petit émirat d’affirmer son influence dans les conflits récents, – en premier lieu en Lybie et en Syrie – par le biais de la diplomatie avec ses alliés occidentaux, et du soutien direct financier et logistique aux rebelles. Ses immenses réserves de devises lui ont permis d’investir tout azimut. « Le Qatar recueille les fruits d’une stratégie de développement lancée par le gouvernement dans les années 1990 et basée sur une ouverture de l’économie parallèlement à un plan clair de diversification de ses sources de revenus« , affirmait en juin la Banque nationale du Koweït dans un rapport.
Tout semble donc au beau fixe, pour l’instant, et le Qatar pourra produire du gaz pendant les vingt prochaines années. Mais le prix devant atteindre son niveau maximum dans les trois ou quatre prochaines années, le Qatar, selon les analystes de Stratfor, risque de se trouver confronté à une double menace : la concurrence de marchés plus compétitifs comme les États-Unis et la baisse de ses revenus gaziers. D’où la tendance à faire signer à ses clients habituels des contrats à long terme, jusqu’à 20 ans pour certains. Électron libre des États du Golfe, dépendant, cependant de l’économie mondiale, l’émirat al-Thani pourra-t-il asseoir durablement son hégémonie régionale et internationale en matière de politique extérieure ? « La Fenêtre de l’indépendance économique fermée, le Qatar doit concentrer l’équivalent de deux ou trois décades d’engagement dans la politique extérieure régionale en seulement quelques années pour maximiser ses opportunités actuelles et sécuriser une position d’influence qui irait plus loin dans le temps que sa position dominante en matière de GNL.
(Source https://www.stratfor.com/ )