L’Arabie saoudite ne compte pas mettre un bémol à sa campagne contre le Hezbollah et ce dernier lui rend bien la pareille.
La décision du Conseil de coopération du Golfe de mettre le Hezbollah sur la liste des organisations terroristes est perçue comme un avant-goût de la future réunion des ministres arabes des Affaires étrangères. Même si le test de Tunis, lors de la réunion des ministres arabes de l’Intérieur, n’a pas été à la hauteur de l’attente des Saoudiens, puisqu’en plus du Liban, l’Algérie et l’Irak ont émis des réserves sur l’adoption d’une telle décision. Il est toutefois clair que l’Arabie saoudite ne compte pas mettre un bémol à sa campagne contre le Hezbollah et ce dernier lui rend bien la pareille. L’élément dominant du dernier discours de Hassan Nasrallah a été en effet la dissociation entre la scène interne libanaise, qui, selon lui, doit rester calme et stable, et l’escalade verbale avec l’Arabie qui se poursuit. Les milieux proches du Hezbollah estiment ainsi que la campagne féroce menée par les dirigeants saoudiens contre le Hezbollah pourrait constituer un prélude à une nouvelle agression israélienne d’envergure, selon la logique suivante : d’abord les Israéliens ne sont pas en train de cacher leur appui à la démarche saoudienne et leurs médias révèlent chaque jour une coopération même tacite entre les Israéliens et certaines parties saoudiennes. De plus, les Saoudiens cherchent à encercler et donc à affaiblir le Hezbollah. Ce qui, même s’ils ne le veulent pas, préparerait le terrain à une offensive israélienne, sachant que les dirigeants sionistes attendent la moindre occasion pour briser la résistance et prendre la revanche de 2006. C’est pour cette raison que le Hezbollah ne compte pas céder devant la campagne menée par les dirigeants saoudiens contre lui et il l’affronte comme s’il s’agissait d’une véritable offensive. Malgré tout, le message du secrétaire général aux différentes parties libanaises est de ne pas se laisser entraîner dans cette campagne et de préserver la stabilité et le calme au Liban. Selon les milieux du parti, le dernier discours de Hassan Nasrallah rappelle celui qu’il avait prononcé le 25 mai 2011 à l’occasion de la fête de la Libération. La guerre venait de commencer en Syrie et à cette époque-là, le 14 Mars ne cachait pas son appui total à ce qu’il appelait la révolution syrienne, alors que le Hezbollah n’était pas encore intervenu en Syrie et appelait au contraire au dialogue et à la solution politique. Hassan Nasrallah avait alors demandé aux dirigeants du 14 Mars de dissocier la situation au Liban de ce qui se passe en Syrie. Mais la réponse du chef du courant du Futur, Saad Hariri, avait été qu’il compte revenir au Liban via l’aéroport de Damas. La suite est connue. Pour les milieux proches du Hezbollah, le 14 Mars devrait donc tirer la leçon de 2011 et ne pas se laisser entraîner dans une campagne qui ne sert pas leurs intérêts ni ceux du Liban. D’ailleurs, le Hezbollah considère que les premières réactions au discours de son secrétaire général et à la campagne menée contre ce parti par l’Arabie et ses alliés sont satisfaisantes. Le chef du courant du Futur a insisté sur la volonté de poursuivre le dialogue avec le Hezbollah et les Kataëb ont adopté des positions modérées. Seules quelques voix font de la surenchère comme le ministre démissionnaire de la Justice, Achraf Rifi. Mais l’attitude du ministre de l’Intérieur, Nouhad Machnouk, au cours de la réunion de Tunis est en contradiction avec cette tendance et elle représente l’attitude officielle du courant du Futur. Comme l’a déclaré Hassan Nasrallah, le Hezbollah n’est en tout cas pas inquiet des retombées de la campagne saoudienne contre lui. Sa sérénité affichée se base sur deux facteurs. Le premier est sa confiance dans sa propre force au Liban, partant du principe qu’il est aujourd’hui bien plus sûr de lui qu’il ne l’était en mai 2008 et par conséquent, toute tentative de l’affaiblir ne ferait qu’aboutir au résultat contraire et le sort se retournerait ainsi contre l’apprenti sorcier. Le second facteur est basé sur un contexte régional et international défavorable aux plans saoudiens. Ainsi, la décision saoudienne de suspendre le don de trois milliards plus un à l’armée libanaise n’a pas été favorablement accueillie par les Américains, qui ont multiplié depuis les déclarations d’appui à cette même armée et qui ont même accéléré la conclusion d’un accord prévoyant l’envoi d’avions de combat spécialisés pour la lutte contre le terrorisme (les Super Tucano). De plus, le secrétaire général de l’Onu Ban Ki-moon a annoncé sa prochaine visite au Liban le 24 mars. Même si elle est axée sur le dossier des réfugiés, cette visite est une réponse claire de soutien au Liban, face aux tentatives de le déstabiliser en cherchant à détruire son tissu interne. Mais d’où vient ce soudain souci du Liban de la part de la communauté internationale, États-Unis en tête ? Les milieux proches du Hezbollah avancent quatre raisons qui justifient l’attachement international à la stabilité du Liban : d’abord si le Liban est déstabilisé, cela signifierait que l’Occident devra faire face à une nouvelle vague de réfugiés, les Syriens qui quitteront le Liban et les Libanais qui quitteront leur pays. Or, l’Europe est toute proche et elle est déjà trop occupée à repousser les réfugiés syriens. Ensuite, un Liban déstabilisé constituerait un environnement favorable au développement de Daech et de l’extrémisme musulman que l’Occident combat. Ensuite, une déstabilisation du Liban signifierait aussi une déstabilisation de la frontière avec Israël, du Golan jusqu’à Naqoura, et enfin, le Liban stable est un lieu où les services secrets du monde entier peuvent travailler en toute tranquillité. Ce qui, avec la tourmente dans laquelle se trouve la région, est plus que jamais une nécessité…