Le 21 mars, à Kigali, 44 États africain ont signé ’African Continent Free Trade Area (AfCTFA), un traité instaurant une zone de libre échange en Afrique qui, selon l’Union africaine, devrait permettre d’augmenter d’ici à 2022, de près de 60% le niveau de commerce intra-africain qui ne représente que 16% aujourd’hui.
Les chefs d’État des deux poids lourds africains, le président sud-africain Cyril Ramaphosa, et son homologue nigérian, ont, cependant, refusé de signer. Cyril Ramaphosa s’est contenté de parapher le Protocole de Kigali indiquant que l’Afrique du Sud s’engageait à ratifier l’AfCTFA dans le futur. Le nouveau chef de l’État sud-africain dont l’adhésion de son pays aurait donné un poids définitivement plus significatif à l’initiative de l’UA, a expliqué qu’il avait besoin de plus de temps « pour suivre les procédures constitutionnelles et internes ». « Le gouvernement sud-africain veut plus de clarté sur les détails avant de signer », a de son côté, expliqué Rob Davies, le ministre de l’Industrie, comparant l’accord à « un circuit imprimé sans transistors ».
Le document de 250 pages présenté aux membres de l’UA et le texte du protocole sur les marchandises et les services ont, selon le ministre de l’Industrie, « été élaborés remarquablement vite » du fait de la date limite du sommet et contiennent donc « beaucoup de lacunes ». Un certain nombre d’annexes n’ont pas été juridiquement validées. « Nous n’avons aucun problème avec le contenu général des documents. Ils sont le circuit imprimé. Mais il n’y a pas les transistors et les circuits reliés pour fonctionner. Ce sera pour plus tard. Il n’y a pas, non plus, de barèmes tarifaires », a-t-il souligné.
Rob Davies a, également, noté que les États ont des constitutions et des exigences légales différentes. En Afrique du Sud, a-t-il expliqué, la barre est placée très haut avant de signer un accord international. L’absence des appendices et annexes, selon le ministre qui parlait au nom du gouvernement, ne permet pas de signer l’accord, d’autant que des juristes doivent encore en étudier le contenu.
Le Protocole de Kigali, en revanche, « est inclusif, unificateur » et exprime « l’engagement de l’Afrique du sud au processus, estime Rob Davies. L’Afrique du Sud « veut signer et signera l’accord quand sa formulation le lui permettra », a-t-il expliqué. Le gouvernement du Nigéria a soulevé un point inquiétant concernant l’accord, a également noté le ministre sud-africain. L’AfCTFA pourrait être utilisé, selon le Nigéria, pour importer des produits venant d’autres parties du monde sans valeur significative, ce qui affaiblirait sa portée dans le cadre du soutien à la production et à l’industrialisation locales. Il faut que le texte apporte des éléments garantissant le respect strict de son objectif.
Quels seront les bénéfices de l’AfCTFA pour les pays africains ? Selon Rob Davies, le continent représente un marché qui peut soutenir l’industrialisation ainsi que l a chaîne de valeur et une large diversification. Pour ce qui concerne l’Afrique du Sud, le marché africain tient une place importante avec 23,7 milliards de rands en 2017 pour les exportations et 8,5 milliards de rands d’importation d’autres pays africains. « L’excédent commercial est largement en notre faveur », note Rob Davis, ajoutant que les exportations en Afrique peuvent générer de nombreux emplois.
Une façon de rassurer certains syndicats qui ont exprimé leurs inquiétudes, comme la Federation of Unions of South Africa (FEDUSA, confédération indépendante), avertissant le gouvernement que l’accord pourrait, au contraire, aboutir à la perte d’emplois. La confédération COSATU, alliée de l’ANC, a, elle, souligné que l’AfCTFA pourrait conduire au dumping de produits bon marchés importés qui détruirait l’industrie locale. « C’est magnifique sur le papier, mais une zone de libre échange pourrait détruire l’économie du jour au lendemain et conduire à la désindustrialisation du pays », a déclaré Matthew Parks, représentant de la COSATU au Parlement.
La signature de l’AfCTA par les 55 États membres de l’Union africaine ferait du continent la zone de libre échange la plus vaste au monde depuis la création de l’Organisation mondiale du Commerce en 1995. Elle concernerait 1,2 milliards de personnes avec un PNB combiné d’environ R24 trilliards. « Certains pays ont exprimé des réserves et n’ont pas encore finalisé leurs consultations à l’échelle nationale. Mais nous aurons un autre sommet en Mauritanie en juillet et nous espérons que ces pays signeront alors », a déclaré le commissaire de l’Union africaine chargé du Commerce et de l’Industrie, Albert Muchanga.