Il y a déjà plusieurs dizaines d’années, le ministère américain de la Justice a décrété que dans les soixante jours précédant une élection, il est interdit de révéler quoi que ce soit à propos d’une enquête en cours, ni au public ni au Congrès, si c’est de nature à influencer l’électorat.
Un mémorandum confirmant cette décision est rédigé tous les quatre ans par le Garde des sceaux, 2016 n’y fait pas exception. Les officiels du ministère de la Justice et le FBI sont donc tenus de respecter ces règles de neutralité dans le cadre de leurs fonctions.
Néanmoins, vendredi 30 octobre (soit huit jours avant l’élection) l’actuel chef du FBI, James Comey a annoncé que le FBI avait découvert de nouveaux e-mails qui pourraient être significatifs dans l’enquête sur l’utilisation d’un serveur privé par la candidate démocrate, Hillary Clinton. Le ministère de la Justice et le FBI ont donc décidé de procéder à l’examen de centaines de milliers d’e-mails – une recherche impossible à achever avant le 8 novembre !
Tout en se clamant apolitique, M. Comey a provoqué la plus grave secousse de toute la période électorale, favorisant, à l’évidence le candidat républicain, qui était en perte de vitesse. La campagne d’Hillary Clinton a dès lors plongé dans l’incertitude. En même temps, les plus hauts fonctionnaires de la Justice, issus aussi bien de l’administration démocrate que républicaine, ont condamné M. Comey. La confusion, aux yeux des électeurs, est totale.
Quel est le principal e-mail mis en cause ? En enquêtant sur l’ex-député Anthony Weiner pour des crimes présumés de relations sexuelles avec une mineure, le FBI avait saisi son ordinateur. Or Weiner avait un lien indirect avec Clinton car il utilisait un appareil en partage avec son épouse – dont il est séparé maintenant – Huma Abedin, conseillère et amie très proche d’Hillary Clinton. Le FBI aurait donc mis la main sur des e-mails qui pourraient provenir d’Hillary Clinton.
Cette démarche peut poser un problème légal car, outre la tradition déjà mentionnée, le FBI doit se limiter à enquêter sur les fautes éventuelles de Weiner, déjà condamné trois fois pour des faits sexuels sur mineures. Aller au-delà devait préalablement requérir une autorisation, éventuellement accordée dans le cadre de l’ouverture d’une autre enquête. Ce qui n’est pas le cas. Peut-on concevoir que la recherche entamée puisse être conclue d’ici le 8 novembre, et ainsi qu’elle dédouane Mme Clinton ? Impossible à dire. Pour l’instant, on se demande combien d’Américains ont pu être influencés au point de se détourner du vote démocrate, croyant – sans preuve– que dans cet ordinateur figure la trace d’actes illégaux.
Quelle que soit l’issue de cette enquête, on peut d’ores et déjà dire adieu à James Comey.