À deux jours des élections tant attendues et éternelles causes de polémique au Zimbabwe, il semblerait, selon la présidente de la commission de l’Union africaine, Nkosazana Dlamini-Zuma, que les préparatifs du scrutin sont « satisfaisants ». Pourtant, les 14 et 15 juillet dernier, le vote anticipé des agents en tenue réquisitionnés pour la journée électorale du 31 juillet, laissait présager le pire. Les autorités les ont elles-mêmes qualifiées de «cauchemar ».
Les déclarations rassurantes de la présidente de la commission n’ont pas emporté l’assentiment du rival de Robert Mugabe, l’opposant et Premier ministre Morgan Tsvangirai. « La manipulation du scrutin est clairement prouvé » a-t-il déclaré en dénonçant « une tentative désespérée de subvertir la volonté populaire ». L’usage de chauffeurs militaires pour le transports des bulletins lors du vote anticipé et « le chaos de l’inscription sur les listes électorales qui prive des milliers voire un million de gens de leur droit de vote » sont autant de motifs d’inquiétude « qui ont des implications pour la crédibilité et la légitimité de l’élection ».
Bizarrement, le chef des observateurs de l’UA, Olusegun Obasanjo, qui aurait dû être présent sur le terrain depuis une dizaine de jours, n’est toujours pas arrivé, sans explication. Il y aurait eu un problème d’ « autorisation », dû aux mauvaises relations entre Robert Mugabe et l’ancien dirigeant nigérian. « Obasanjo est un manipulateur d’élection bien connu dont le Zimbabwe n’a pas besoin », a déclaré le vieux président dictateur. Les relations entre les deux hommes s’étaient dégradées considérablement en 2002, alors que le Zimbabwe étaient suspendu en tant que membre du Commonwealth après la saisie des plantations des propriétaires blancs.
Mais la question au centre de l’actualité électorale est : Morgan Tsvangirai qui a déjà « officiellement » perdu face à Robert Mugabe par trois fois en quatorze ans (2002, 2005 et 2008), dans des conditions contestées va-t-il l’emporter enfin ? En 2008 particulièrement, la campagne et les élections et l’après élections avaient été marquées par une forte répression et des exactions faisant plusieurs morts et des centaines de blessés parmi les opposants et leurs électeurs. Morgan Tsvangirai n’échappait pas à la répression et était arrêté (ce n’était pas la première fois) avec d’autres camarades de son parti, le Mouvement pour le changement démocratique (MDC).
Après quatre ans de régime de cohabitation imposé par les puissances occidentales, avec Robert Mugabe à la tête de l’État et Tsvangirai au poste de Premier ministre, les principaux pouvoirs restent dans les mains du vieux dictateur. C’est en vain que l’opposition a contesté la date des élections, considérant qu’il n’y avait pas assez de temps pour organiser un scrutin dans des bonnes conditions de démocratie et de transparence. Pour Morgan Tsvangirai, ce sont les élections de la dernière chance car, depuis quatorze ans à la tête de son parti, il devra certainement reconsidérer sa place dans la vie politique zimbabwéenne.
La campagne électorale a été, une nouvelle fois, marquée par des actions répressives à l’encontre de personnalités ou de militants du MDC et la plus grande inquiétude plane sur ce scrutin, malgré les assurances de Nkosazana Dlamini-Zuma. Le dimanche 28 juillet, le vice-président du MDC, Morgan Komichi, également vice ministre des transports dans le gouvernement d’union, était arrêté à son domicile. Quelques jours plus tôt, il avait remis à Tsvangirai pour la Commission électorale (ZEC) une enveloppe contenant des bulletins en faveur de Tsvangirai trouvée avec d’autres dans les poubelles de l’Harare International Conference Centre où les forces de sécurité avaient voté les 14 et 15 juillet. La ZEC n’a pas jugé « utile » d’enquêter, à la grande colère de l’opposition qui considère d’ores et déjà que la fraude, une nouvelle fois, sera au centre des résultats. Le MDC n’a pas eu accès aux registres électoraux, ne sait pas qui imprime les bulletins ni où ils sont imprimés, entre autres.
En outre, selon Lindiwe Zulu, conseillère du président sud-africain Jacob Zuma pour les affaires internationales, le vote des forces de sécurité a été entaché par divers incidents comme l’ouverture tardive des bureaux de vote, le manque d’encre indélébile et de tampons, de bulletins de votes et d’urnes. Les déclarations publiques de la conseillère lui ont valu d’être traitée publiquement de « femme de rue stupide et idiote » par Robert Mugabe. L’Afrique du Sud avait été nommé par la SADC (South African Development Community) médiateur pour l’organisation des élections et l’épisode a failli tourner en incident diplomatique.
Ce sont les jeunes et les ruraux qui feront la différence entre les deux principaux candidats. 747 928 nouveaux électeurs ont été enregistrés et l’écart entre les deux candidats devrait être extrêmement serré. En 2008, Tsvangirai avait obtenu 47% des voix contre 43 % pour Mugabe. Avant le second tour, la violence avait forcé Tsvangirai à se désister et Mugabe s’autoproclamait vainqueur. Moins influencés par les luttes entre les deux principaux partis, les jeunes électeurs semblent s’attacher davantage au contenu des programmes des candidats. Ils ont connu chômage et crise économique et politique majeures, ils veulent désormais des emplois et une vie meilleure. Tsvangirai a promis un million d’emplois dans les cinq années à venir s’il gagne les élections, et la sortie de la crise économique par les investissements étrangers. Un programme qui pourrait effectivement séduire cette population.
Mugabe, quant à lui, peut compter sur ceux qui le soutiennent depuis 33 ans au pouvoir, les 50-70, avec une influence dans les zones rurales non négligeable où la mémoire de la guerre de libération dirigée par Robert Mugabe est encore vive. Une population rurale qui a aussi bénéficié de la réforme agraire. Le MDC devra donc faire une percée dans les zones rurales, tandis que Mugabe devra arriver à séduire une partie des jeunes de ces mêmes zones, pour sortir vainqueurs des urnes.
Plus que deux jours pour savoir si le Zimbabwe a été capable de respecter ses engagements d’élections libres, démocratiques et transparentes. Des élections qui décideront de façon radicale de l’avenir du pays.