DIPLOMATIE – De façon moins ostensible, le président de la République approfondit la relation développée par son prédécesseur avec le micro-Etat…
«La relation du Qatar et de la France s’est développée quelles que soient les alternances. C’est dans cet esprit que le président de la République se rend dans ce pays.» Ce commentaire de l’Elysée résume la politique de François Hollande vis-à-vis du Qatar: la continuité. Le voyage officiel que le chef de l’Etat y effectuera samedi et dimanche – ce sera la première fois qu’il se rend dans la péninsule – sera l’occasion de le prouver.
Cette position n’allait pas de soi tant Nicolas Sarkozy avait développé un partenariat décomplexé avec Doha où il continue de se rendre fréquemment. Il n’avait pas échappé aux observateurs que le premier chef d’Etat arabe reçu à Paris par François Hollande a été le roi du Maroc et non l’émir Hamad ben Khalifa al-Thani, comme l’en avait honoré son prédécesseur. Autre signe de possible changement: en novembre 2012, lors de son premier voyage au Moyen-Orient, François Hollande avait opté pour l’Arabie Saoudite, le grand rival du Qatar. En janvier 2013, le Président s’est rendu aux Emirats arabes unis sans faire de crochet chez le voisin qatarien.
Se placer au-dessus des polémiques
Avec ce voyage officiel, l’exécutif sonne la fin de la récré et rentre dans le rang diplomatique. «Le Qatar a changé de dimension sur la scène internationale non sans interrogation, glisse-t-on dans l’entourage de François Hollande. Notre souhait est de nous placer au-dessus de ces polémiques et rappeler le caractère stratégique de la relation.» Car, rappelle le Château, «il n’y a pas tant de pays à qui nous avons vendu autant d’armes». La vente de Rafale, «que les Qatariens ont testé», sera d’ailleurs au cœur des produits français que le VRP Hollande tentera de vendre à Doha «dans les prochains mois». Avec le métro de Doha (Vinci) et le tramway de Lusail (Alstom).
Et les sujets qui fâchent semblent bien loin. L’omni-présence du Qatar en France souvent pointée du doigt? «Elle ne correspond pas à la réalité», répond l’Elysée qui remarque que l’Hexagone «n’est pas en situation de refuser les investissements étrangers». Divergences de vue sur le soutien à apporter aux rebelles islamistes en Syrie? «Ce sera l’occasion d’un échange», reconnaît la présidence de la République qui préfère souligner les convergences de vue sur le départ demandé de Bachar el-Assad et «l’unité de l’opposition» pour laquelle «le Qatar a un rôle à jouer». L’ouverture d’un bureau des talibans à Doha? Les conseillers de François Hollande n’y voient «pas d’inconvénient». La création d’Al-Jazeera en français? «S’ils veulent faire rayonner la francophonie, on ne peut que s’en réjouir.»
Obtenir des réponses aux interrogations
«Le président de la République, quand il a des interrogations, obtient des réponses, glisse un conseiller influent de François Hollande. Il en avait sur le fonds banlieue. Nous avons trouvé une réponse satisfaisante.» [un fonds franco-qatarien de 300 millions d’euros pour les PME géré par la caisse des dépôts et consignations]. «Nous avions des questions sur les liens entre des organismes caritatifs qatariens et des acteurs [djihadistes] au Nord-Mali. Les choses ont été clarifiées».
«Sur le fond, la politique de François Hollande reste la même. La France veut sa part du gâteau des 120 milliards de dollars que le Qatar entend dépenser sur les dix prochaines années, analyse Nabil Ennasri, auteur de «L’énigme du Qatar» (éd. Armand Colin). Ce qui change, c’est l’affichage qui n’est plus publicitaire comme sous Nicolas Sarkozy. Avec François Hollande, il s’agit d’une relation normale entre deux chefs d’Etat dans le cadre du protocole officiel. On est plus dans le « tout Qatar »». «Il n’y a pas de contradiction à avoir de meilleures relations avec l’Arabie Saoudite, les Emirats arabes unis et le Qatar», confirme l’Elysée.
Source : 20 minutes
https://www.20minutes.fr/monde/1176747-20130619-hollande-changement-politique-qatar-nest-maintenant
21 juin 2013
Légende :
François Hollande et l’émir du Qatar, le sheikh Hamad bin Khalifa Al-Thani, à l’Elysée le 22 août 2012. KENZO TRIBOUILLARD / AFP