Longtemps, la piraterie maritime fut synonyme des mythiques mers de Chine et « détroit de Malacca », véritables cauchemars pour le commerce international. Mais depuis 2006, les gangs ont poussé comme des champignons et les zones d’attaques se sont considérablement étendues. Selon le Bureau maritime international (BMI), plus de 4 000 actes de piraterie ont été enregistrés durant les vingt dernières années. La Rand Corporation estime que le nombre d’assauts et de tentatives d’assaut est passé de 209 entre 1994 et 1999 à 2 463 entre 2000 et fin 2006. Les prises sont variées, du voilier au tanker, du chalutier au porte-conteneurs, mais aussi au transporteur de l’aide alimentaire du Programme alimentaire mondial destinée aux Somaliens.
Hors du golfe de Guinée, ce n’est pas le fret qui importe le plus, mais les hommes. En 2011, les rançons payées s’élevaient à 238 millions d’euros pour la seule piraterie somalienne. Le coût total pour l’économie mondiale représentait en 2010 entre 7 et 12 milliards de dollars, dont 95 % au titre de la piraterie somalienne. La piraterie est devenue une industrie florissante dont les revenus « blanchis » sont réinjectés dans les circuits financiers et, s’inquiètent certains, pourraient devenir un facteur déstabilisant.
En Asie, outre le détroit de Malacca, sur la route qui conduit de la Chine vers l’Inde jusqu’au canal de Suez et à l’Europe, la mer de Chine abrite les pirates malaisiens et indonésiens réputés pour leur sauvagerie. La lutte contre la piraterie dans la région fait l’objet d’une coopération renforcée entre la Malaisie, l’Indonésie et Singapour. Le Bangladesh est également touché, notamment à l’approche de Chittagong ou à l’ancrage. Les efforts des autorités, cependant, portent leurs fruits, le BMI y a constaté une baisse notoire des attaques ces dernières années.
Depuis 2008, la piraterie somalienne est au premier rang avec une rapide extension géographique et en moyens. Favorisée par la misère, le chaos et le vide de pouvoir que connaît le pays depuis de longues années, elle était censée lutter contre la surpêche étrangère et l’immersion de produits toxiques dans les eaux somaliennes par des mafias occidentales avant de devenir une activité criminelle juteuse. Malgré les progrès enregistrés par les forces internationales présentes dans la région, elle touche aujourd’hui les côtes somaliennes, le golfe d’Aden, les côtes du Yémen, le golfe d’Oman, les Maldives et l’Inde, l’entrée du canal du Mozambique et l’archipel des Seychelles, dont l’immense zone d’exclusivité économique est leur site privilégié.
Selon Eunavfor, la force navale européenne, plus de 200 personnes étaient otages des pirates au 20 décembre 2011. 2 317 marins de la marine marchande ont été capturés depuis 2008, dont 60 au moins sont morts au cours de leur captivité. D’autres ont souffert de tortures physiques et morales. En 2011, le nombre d’attaques a augmenté de 44 %, mais le nombre de navires capturés a diminué de 49 en 2010 à 28 en 2011. Les pirates somaliens ont enregistré de lourdes défaites dans les mêmes périodes, selon le BMI, avec 1 248 arrestations en 2010, 506 pirates traduits en justice, 254 condamnés, et plus de 50 tués. En février 2012, le Conseil de sécurité des Nations unies indiquait que 1 063 pirates étaient ou attendaient d’être jugés dans vingt pays, dont plus de 600 dans la région.
Récemment, la piraterie est apparue dans le golfe de Guinée. Elle s’attaque particulièrement aux tankers, à l’« or noir », prise très lucrative pour le marché parallèle, selon Michael Howlett, directeur adjoint du BMI. Partie du Nigeria, elle touche aujourd’hui le Bénin, zone classée « à haut risque ». Selon l’organisme RiskIntelligence, les attaques au large de Lagos et Cotonou sont passées de 13 en 2010 à 35 en 2011 (21 pour le Bénin, 14 pour le Nigeria). On en compte, en 2012, 7 au Togo, 2 au Ghana et 1 en Côte d’Ivoire. En septembre 2011, le Nigeria et le Bénin ont lancé « Prospérité », un programme de patrouilles maritimes conjointes et en février, le président togolais Faure Gnassingbé, demandait au Conseil de sécurité de l’Onu de mettre en place un « groupe de contact international sur la criminalité transnationale organisée, dont la piraterie maritime » sur le modèle de celui qui a été créé pour la piraterie somalienne.
Les effets économiques sont graves : le trafic a diminué des deux tiers dans certains ports du Golfe, comme à Cotonou qui assure 90 % du commerce béninois et connaît une chute de 70 %. Pour le BMI, le golfe de Guinée fait désormais partie des six principaux foyers de piraterie.