Un groupe d’intellectuels, d’écrivains, d’universitaires et de personnalités de la société civile de tout bord, de toutes confessions et de tous pays dont le poète Adonis, vient de lancer cet appel à la sagesse et à rejeter toute instrumentalisation de la religion à des fins politiques.
La décision de Recep Tayyip Erdogan de remettre en cause le statut de la Basilique Sainte-Sophie (Aya Sofia) adopté en 1934 est l’expression d’une nouvelle fuite en avant du président turc engagé dans un processus revivaliste très dangereux car porteur de postures idéologiques falsificatrices, et de provocations successives qui exacerbent les tensions émotionnelles au lieu de les apaiser.
Cette décision intervient dans un contexte extrêmement tendu tant régional qu’international.
Elle s’inscrit dans le sillage d’une politique aventuriste dont les liaisons dangereuses avec les mouvements et groupes terroristes, notamment ceux désignés nommément par l’ONU, n’est plus à démontrer. Faut-il rappeler qu’au moment même où ces organisations criminelles et barbares, Daech en tête, profanaient les sépultures sacrées et détruisaient les lieux de culte musulmans et chrétiens en Syrie et en Irak, elles protégeaient le mausolée de Suleyman Shah en territoire syrien, dont le président turc avait fait l’un des symboles d’un nouvel expansionnisme mystificateur.
Nous observons par ailleurs que cette tentative d’instrumentalisation et de corruption de l’Histoire fait écho à une démarche similaire à Jérusalem et en Palestine.
Dans cette région du monde les blessures de l’Histoire sont à peine apaisées. La manipulation des mémoires collectives est une arme de destruction massive. Elle réveillera de nouveaux démons destructeurs, tant au sein de la société turque, que dans l’ensemble des pays du Proche-Orient, et bien au-delà. Elle porte atteinte à la diversité même de cette société dont la richesse vient de ses multiples héritages, et dont elle aggravera les fractures.
Elle alimentera l’imposture du choc des religions, des civilisations et des cultures et dénaturera plus encore l’image de l’Islam qui a tant souffert des amalgames depuis l’invention de Daech et l’exploitation de ses crimes. Elle risquera également de libérer des sentiments chauvins, sectaires et violents un peu partout dans le monde et notamment dans les sociétés composites. De la diversité comme facteur de richesse elle fera un outil de fragmentation, d’appauvrissement et de repliement xénophobe et morbide.
Par son acte inacceptable Recep Tayyip Erdogan porte une responsabilité énorme dans un processus déjà enclenché qui viendra alimenter les passions et les haines.
L’argument selon lequel cette décision relève d’une liberté interne souveraine est irrecevable, venant de la part d’un personnage et de ses gouvernements qui, de la Syrie à l’Irak en passant par la Libye et Chypre viole sans aucun scrupule la souveraineté des États voisins ainsi que les principes les plus élémentaires du droit international.
Par une politique de fait accompli, dont on a vu les effets ailleurs, il fait outrage aux conventions internationales et notamment aux principes de l’Unesco.
De symbole civilisationnel appartenant au patrimoine de l’Humanité il fait d’Aya Sofia, Basilique de la Sainte-Sagesse, un instrument généralisé de discorde qui viole la Tradition musulmane.
L’Union Européenne, ses États et ses peuples doivent reconnaître que la complaisance coupable, qui perdure, à l’égard du chantage permanent pratiqué par le président turc a ouvert les vannes à tous ses débordements.
Nous appelons l’Union et ses États à se ressaisir. Il n’est nullement dans l’intérêt de l’UE et de ses peuples, engagés dans un projet d’association inédit et difficile, de cautionner une démarche dont les effets risquent de se répercuter avec brutalité dans les sociétés de l’Union.
Nous appelons tous les États membres de la « communauté internationale » représentée par l’ONU, à rappeler fermement Monsieur Recep Tayyip Erdogan à ses obligations, au respect de la Charte de l’Onu, et en premier lieu au respect de la souveraineté des États, des frontières et des peuples et de leurs mémoires communes. Nous appelons l’ensemble des peuples ayant le souci de protéger leur mémoire historique afin d’ajouter un chapitre au grand livre de la mémoire humaine à agir afin d’empêcher une altération grave de ce dernier.
Dans cet esprit rendre la Basilique de la Sagesse au Patrimoine de l’Humanité est un acte essentiel.
Premières signatures
Adonis, Poète
Pr. Rudolf el Kareh, Sociologue et politologue
Père Elias Zahlaoui, Prêtre de l’Église Notre-Dame de Damas
Patricia Lalonde, Vice-présidente de GEOPRAGMA, ancienne députée européenne
Dr. Ziad Hafez, Ancien Secrétaire Général de la Conférence Nationale Arabe
Richard Labévière, Géopolitologue, rédacteur en chef du journal en ligne https://prochetmoyen-orient.ch
Jacques-Marie Bourget, Journaliste et écrivain
Pr. Michel Abs, Membre du Comité National Islamo-Chrétien pour le Dialogue (Liban) et du CE du Conseil des Églises du M-O.
Michel Raimbaud, Ancien ambassadeur, essayiste et conférencier
Éric Denécé, Géopolitologue, directeur du Centre français de Recherche sur le renseignement
Mohammed Ali Chamseddine, Poète
Mahmoud Al-Rached, Journaliste
Majed Nehmé, Journaliste, Directeur d’Afrique-Asie
Regina Sneifer, Ecrivaine
Ali Rasbeen, Président de l’Académie de Géopolitique de Paris
Fayçal Jalloul, Chercheur à l’Académie de Geopolitique de Paris
René Naba, Journaliste-écrivain, directeur du site https://www.madaniya.info/
Pr Hayat Howayek, Chercheuse, écrivaine, spécialiste en communication
Houria Abdelouahed, Psychanalyste
Georges El-Far, Philosophe
Bassam Tahhan, Professeur de Chaire Sup, islamologue
Tarif Masri Zadah, Neurologue
Ghaleb Kandil, Directeur de New Orient News
Ahmad Moualla, Artiste peintre
Ziad Dalloul, Artiste peintre
Tarek Mami, Journaliste
Khaled Saad Zaghloul, Journaliste
Tigran Yégavian, Journaliste, écrivain
Rim Belkhdiri, PDG
Azmi Manour, Académicien, Président de l’Association jordanienne de Lutte contre le Racisme,
Kafa al-Zou’bi, Romancière jordanienne
Mouwaffaq Mahadeen, Ancien Président de la Ligue des écrivains jordaniens
Dr. Ahmad Al-Durzi, Médecin et chroniqueur politique syrien
Dr. Du’aa Salah, Académicienne palestinienne
Amer al-Tall, Rédacteur en chef du réseau jordanien d’information
Rula Abdalla al-Ahmad, Journaliste syrienne
Nawaf al-Zurro, Chercheur et historien palestinien
Amina Lakri, Chargée de communication
Dr. Jamal Khalil, Dramaturge, Houston, États-Unis
Dr Haifa Haidar, Sociologue et académicienne syrienne
Bassam Munir Al-Badr, Photographe cinématographique
Hayat Safar, Artiste peintre plasticienne
Colonel Alain Corvez, Consultant en stratégie internationale
Nidhal Siwar, Musicologue
Nidhal Aymar, Artiste peintre plasticienne
Amer Fuad Amer, Journaliste
Nidhal Hamidi, Architecte
Fakher Da’as, Médecin
Ghada El-Yafi, Médecin
Ghiath El-Yafi, Consultant
Belhout Sihem, chimiste
Martine Truong, Pédiatre
de l’Institut Tchobanian
Alamir ABAZA, critique cinématographique et Président du Festival de cinéma d’Alexandrie
Pour signer la pétition :
Ce texte a été également publié par La Libre Belgique :