Quelle mouche a donc piqué ce religieux résolument anti régime syrien – qui lui avait pourtant offert l’hospitalité pendant une trentaine d’années, avant de l’en expulser pour ingérence dans les affaires intérieures de la Syrie et collusion avec la rébellion –, pour qu’il se rende dans la zone occupée par les rebelles syriens ?
Égocentrique, déconnecté de la réalité syrienne, se croyant investi d’une mission divine pour sauver la Syrie du régime syrien, Paolo Dall’Oglio, sous couvert de réconcilier les Syriens entre eux, tenait depuis son expulsion de Syrie, exigée par sa hiérarchie religieuse qui ne supportait plus ses extravagances, un discours outrancier envers le régime syrien. Il répétait à satiété les médias-mensonges diffusés par l’opposition et par les pays occidentaux contre le régime syrien, allant jusqu’à accuser le chef de l’État syrien lui-même de « narco-trafiquant » et de faux défenseur des minorités. Il a récemment publié un livre, « La rage et la lumière – Un prêtre dans la révolution syrienne », où il ne cache pas son engagement pour une opposition qui n’a pourtant rien à envier, par ses méthodes, son idéologie, son fanatisme et ses crimes, au régime qu’il prétend combattre. Il se disait « très engagé dans le dialogue islamo-chrétien », mais en fait il s’est servi de sa situation de prêtre pour participer à l’entreprise de déstabilisation d’un pays récalcitrant, encouragée, financée et armée par des pays (les monarchies du Golfe, royaume wahhabite en tête) qui ne reconnaissent même pas la liberté de culte aux travailleurs étrangers non musulmans qui y résident. Sans oublier le fait qu’ils n’autorisent ni monastères, ni églises ou lieu de culte outre que wahhabites !
Est-il à ce point naïf ou aveugle pour qu’il ne voie pas où il a mis les pieds ? En se rendant à Rakka, capitale de la province syrienne qui porte le même nom, limitrophe de l’Irak, tombée en mars dernier aux mains des jidahistes de l’État islamique d’Irak et du Levant, affilié à al-Qaïda, il pensait selon ses dires pouvoir réconcilier les différents groupes rebelles entre eux.
« Le père Paolo a été reçu à bras ouverts à Rakka, mais l’État islamique semble ne pas avoir bien accepté sa position à propos de Tel al Abiad », a déclaré Abdelrazzak Chlas, un dirigeant de l’opposition à Rakka. Le religieux a dénoncé des violences commises contre des habitants kurdes à Tal al Abiad, à la frontière avec la Turquie. Abdelrazzak Chlas a déclaré que le père Dall’Oglio avait été applaudi dimanche soir lors d’un rassemblement auquel il assistait à Rakka en solidarité avec la ville assiégée de Homs. Une vidéo le montre saluant la foule.
Selon un diplomate occidental, Dall’Oglio a traversé la frontière turque pour arriver en Syrie la semaine dernière, ignorant les avertissements de son entourage qui lui déconseillait de se rendre à Rakka, où des islamistes ont capturé plusieurs personnalités du camp dit libéral ces dernières semaines. « Il a insisté pour y aller », a dit ce diplomate.
Le pape François, issu comme lui de l’ordre des Jésuites, a exprimé sa préoccupation mercredi 31 juillet sur
le sort de Paolo Dall’Oglio, lors d’une messe célébrée dans l’église du Gesu à
Rome.
Évoquant la
mémoire de deux jésuites qui « ont donné leur vie » dans le cadre de
leur ministère, Francesco Saverio (1506-1552) et Pedro Arrupe (1907-1991), le
pape, qui est jésuite lui-même, a ajouté : « je pense au père Paolo ». François
célébrait une messe dans cette église jésuite en présence 270 prêtres de la
compagnie de Jésus.
Quelques jours avant sa « disparition » ou son « enlèvement », Paolo Dall’Oglio, avait adressé au Pape, selon l’Agence catholique Fidès, une « pétition internationale et un appel au Pape François en vue d’une « nouvelle initiative diplomatique » « Sachant que vous aimez la paix dans la justice – indique l’appel du Père Dall’Oglio au Pape – nous vous demandons de promouvoir personnellement une initiative diplomatique urgente et inclusive en faveur de la Syrie, initiative qui assure la fin du régime, préserve l’unité dans la multiplicité du pays et permette, par le biais de l’autodétermination démocratique assistée internationalement, la sortie de la guerre entre des extrémismes armés ». Reste à savoir si les émirs jihadistes qui l’ont enlevé seront plus à l’écoute de cette pétition. Ou vont-ils le liquider, comme ils l’ont hélas fait avec de nombreux dignitaires religieux, aussi bien chrétiens que sunnites, qui avaient le défaut de se trouver dans le camp des « infidèles » !
Lors de son expulsion de Syrie, sur ordre de sa hiérarchie, le père Paolo avait déclaré : « C’est mon cadavre debout sur ses pieds qui quitte la Syrie. » Ironie du sort : si ce malheur devait arriver, ce ne sera pas le fait du régime qu’il voue aux gémonies, mais de ses « nouveaux amis » qui voudraient faire tomber, comme lui, ce régime « impie » et le remplacer par « un émirat islamique » où les « infidèles » ne seront pas les bienvenus !
Il faut tout mettre en œuvre pour libérer ce prêtre afin qu’il revienne à sa mission première, à savoir la promotion de la non-violence, la méditation, prière, la paix, loin de toute politique politicienne. Le peuple syrien n’a pas besoin d’aventuriers qui, sous prétexte de faire chuter la dictature civile, œuvrent à la remplacer par une autre dictature, encore plus redoutable, théocratique, takifirie. Mais comme on dit, le chemin de l’enfer est souvent pavé de bonnes intentions…