D’où est parti le missile qui en avril 1994 a abattu l’avion qui a coûté la vie à Juvénal Habyarimana ?
Alors que l’enquête technique sur le terrain réalisée par le juge français Marc Trévidic semblait exclure l’implication du FPR – contrairement aux conclusions de son prédécesseur, le juge Bruguière – l’ancien chef des services de renseignement extérieur du Rwanda, Patrick Karegeya, (1994-2004) accuse le président Kagame d’en être le responsable.
Karegeya a fui le pays en 2007 et vit en Afrique du Sud où il a, pour la première fois, accepté de répondre aux questions de RFI. Il confirmerait ainsi les déclarations du général Faustin Kayumba Nyamwasa, également réfugié en Afrique du Sud, où il a été victime d’un attentat par la main d’agents supposés du régime de Kigali.
Karegeya a affirmé à l’envoyée spéciale de RFI en Afrique du Sud, Sonia Rolley, détenir les preuves de l’implication de Kagamé dans l’attentat : « Si nous n’en avions pas, nous ne dirions pas ça. Évidemment, nous en avons. Nous ne spéculons pas. Nous ne sommes pas comme ceux qui essaient d’enquêter, qui disent que le missile venait de Kanombé (ndlr : camp militaire des FAR, l’armée rwandaise de l’époque). Nous savons d’où les missiles sont partis, qui les a acheminés, qui a tiré. Nous ne spéculons pas. On parle de quelque chose que l’on connaît. »
Pour Karegeya aucune enquête sérieuse n’a été menée à ce jour. Et ajoute que le juge Trevic et son équipe ne l’ont pas contacté : « Non, ces juges ne sont jamais venus vers nous. S’ils le font, nous leur dirons ce que nous savons. Mais on ne peut pas leur forcer la main. S’ils souhaitent nous entendre, ils viendront. Et puis n’oubliez pas que ce sont des Français et que les victimes sont rwandaises. Donc on estime aussi que ce serait mieux si des Rwandais faisaient aussi ce travail… Mais ça, évidemment, ça ne pourra se faire qu’après le départ de Kagame. Nous n’espérons pas qu’il y ait une enquête judiciaire rwandaise pour le moment. Les Français ont pris la liberté de le faire, mais aucun d’eux n’est venu nous voir. »
« Pourquoi abattre cet avion ? », s’enquiert Sonia Rolley.
« Il croit que tous les opposants doivent mourir… Et à cette époque, parce que c’était Habyarimana, c’était un moyen de prendre le pouvoir. Habyarimana venait de signer un accord de partage du pouvoir, même s’il essayait de gagner du temps, ce n’était pas une raison pour le tuer. Il fallait suivre le processus et s’assurer qu’il aille jusqu’au bout. Beaucoup de gens disaient qu’il essayait de gagner du temps, je ne cherche pas à le défendre. Mais même s’il a commis des erreurs, il ne méritait pas de mourir. »
(Interview à RFI, 13 juillet 2013 – rfi.fr)