Elle est en quelques jours devenue une icone de la Palestine et au-delà. Les images montrant Ahed Tamimi, haute comme trois pommes du haut de ses 16 ans, haranguant un groupe de soldats de l’armée israélienne avec d’autres enfants et adolescents, ont été vues par des millions de personnes dans le monde. Son arrestation a, immédiatement fait le buzz sur Internet. (https://www.mercurynews.com/2017/12/26/israeli-court-extends-detention-of-palestinian-teen-icon/).

– Ahed Tamimi, icône de la résistance contre l’occupation
Ahed Tamimi, du village de Nabi Saleh en Cisjordanie occupée illégalement par Israël, n’avait, ce 15 décembre, que sa voix et ses petits poings pour exprimer, devant des soldats israéliens hilares, sa colère après un tir à bout portant de balle de caoutchouc (en réalité des balles de plomb enrobées de caoutchouc) sur son cousin, Mohammed Tamimi, 15 ans, gravement blessé. Les militaires parlent d’une « manifestation violente », alors qu’il ne s’agissait que d’un petit groupe de mineurs en colère, comme le montre les images.
Aujourd’hui, Ahed Tamimi, sa mère et sa cousine sont jugées par un tribunal militaire, après avoir été arrêtées au cours d’un raid nocturne au domicile familial. Circonstance aggravante, Ahed avait déjà fait parler d’elle à plusieurs reprises, en 2015 notamment, pour avoir mordu la main d’un soldat israélien cagoulé en train de faire une prise d’étranglement à sa jeune cousine au cours d’une tentative d’arrestation. La jeune palestinienne est issue d’une famille qui a « toujours été en première ligne de la résistance contre l’occupation militaire israélienne », comme le dit son père, Bassem Tamimi.

– Ahed Tamimi devant un tribunal militaire israélien !
La cour militaire d’Ofer a requis, le 1er janvier, douze chefs d’inculpation, dont agression aggravée pour avoir « giflé » un soldat – deux fois plus grand qu’elle – et pour des jets de pierre au printemps 2017. « Ce qui est surprenant, c’est qu’elle a été arrêtée pour une raison spécifique, puis le procureur a fait tout son possible pour rajouter des chefs d’inculpation. Elle n’aurait pas dû être inculpée, arrêtée et détenue après cet incident », estime son avocat, Me Gaby Lasky qui considère qu’il s’agit d’en faire un exemple. « Mais ils font le contraire, dit-il, ils en font un exemple de résistance ! ». Pour son père, Bassem Tamimi, il ne s’agit pas d’un tribunal, mais d’un « théâtre » et de « propagande ». « L’armée israélienne veut prouver qu’elle a fait un tas de choses répréhensibles pour montrer qu’elle est très dangereuse. Ils font juste ça pour leur opinion publique », estime-t-il, ajoutant que le procureur « est en train de pousser le tribunal à prononcer une lourde condamnation ».
Plus de 300 mineurs détenus
Ahed Tamimi, une adolescente manipulée par sa famille depuis son plus jeune âge ? C’est ce que veut faire croire une certaine presse qui accuse, notamment, son oncle d’avoir créé une agence de presse pour diffuser des images d’affrontement entre soldats israéliens et mineurs palestiniens. Une certaine presse qui la décrit comme un « imposteur » et une « comédienne provocatrice ». C’est, cependant, « oublier » un peu vite la situation dans les territoires palestiniens occupés et la violence au quotidien exercée par l’armée israélienne contre la population. Dans un tel contexte, les « enfants » palestiniens comme Ahed Tamimi n’ont pas besoin d’être « manipulés » pour être en colère. Ils naissent et grandissent dans cette violence et dans des familles palestiniennes qui, depuis plusieurs générations, luttent contre l’occupation. Leur colère est bien réelle, et leur courage, également. Depuis dix ans, des centaines d’enfants palestiniens ont été tués et des milliers d’autres blessés au cours d’opérations militaires israéliennes, selon les rapports du Comité de l’ONU pour les Droits de l’enfant.
Ces medias complaisants « oublient », également, de dire que le nombre de mineurs détenus (moins de 18 ans) dans les prisons militaires israéliennes a triplé entre 2015 et 2016 pour atteindre plus de 500 en 2017 (chiffre de l’ONU, novembre 2017). Depuis 2000, plus de 8000 enfants palestiniens ont été détenus, interrogés et inculpés par la justice militaire, soit 500 à 700 mineurs de 12 à 18 ans (on compte, également, un enfant de 8 ans, selon la Commission des détenus et ex-détenus de Hébron) par an. La plupart sont inculpés de jets de pierres et 3 enfants sur 4 subissent des violences physiques lors de leur arrestation, leur transfert ou l’interrogatoire, voire des actes de torture, selon l’ONU. Une fois leur sentence prononcée, 60% d’entre eux sont transférés des territoires occupés vers les prisons israéliennes, en violation de la 4ème Convention de Genève, de la Convention internationale des droits de l’enfant, la Convention contre la torture et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques.
Selon l’ONG Defense internationale des enfants, le nombre de mineurs incarcérés dans la prison israélienne d’Ofer a doublé en décembre dernier. L’ONU fait, également mention de 345 mineurs blessés en Cisjordanie et dans la bande de Gaza entre le 5 et le 18 décembre dernier. Les différents rapports de ces organisations internationales font, également, état d’actes de torture sur les mineurs palestiniens.

– La soldatesque israélienne s’acharne contre les mineurs
Selon, également, le rapport de la Plateforme des ONG françaises pour la Palestine (https://plateforme-palestine.org/IMG/pdf/rapport-enfants-prisonniers-, 260416.pdf ), « tous les récits d’enfants cisjordaniens arrêtés par les forces israéliennes de sécurité font état du recours à une extrême brutalité ». Les arrestations ont lieu souvent au cours de la nuit, expérience « particulièrement traumatisante » par la violence de l’irruption de soldats cagoulés, lourdement armés et malmenant et humiliant les parents. Puis, décrit le rapport qui se base sur des témoignages de victimes, « dès son arrestation chez lui ou dans la rue, le mineur a les yeux bandés et les poignets menottés, généralement dans le dos et avec des liens en plastic tellement serrés qu’ils bloquent la circulation du sang et entaillent la chair ». Le transfert vers le poste d’interrogatoire peut durer plusieurs heures, avec insultes, humiliations, menaces, violences physiques, sans eau ni nourriture ou accès aux toilettes. Plus de 70% des mineurs sont soumis à une fouille au corps après l’arrestation ou lors de leur arrivée en prison. La détention peut être prolongée de 48 jours et dans 85% des cas, le mineur ne peut consulter un avocat, en violation d’un droit qui peut être, également, suspendu pendant 90 jours. Les interrogatoires peuvent durer plusieurs semaines.
Dans un tel contexte, qui peut encore s’étonner que des mineurs comme Ahed Tamimi se révolte contre les soldats de Tsahal ? Ils ne sont pas les seuls, et ils ne sont pas seulement Palestiniens.
Appel au refus de la conscription
Le 29 décembre, un groupe de 63 lycéens israéliens ont signé une lettre adressée au Premier ministre Benjamin Netanyahou, au ministre de l’Éducation, Naftali Bennett, au chef d’état major des armées, le lieutenant-général Gadi Eisenkod et au ministre de la Défense, Avigdor Liberman, condamnant le « gouvernement raciste d’Israël » et exprimant leur refus de servir dans les Forces armées israéliennes. « L’armée applique la politique d’un gouvernement raciste qui viole les droits fondamentaux humains, qui applique une loi pour les Israéliens et une autre pour les Palestiniens dans la même zone », peut-on lire. Les étudiants signataires ont donc « décidé de ne pas pendre part à l’occupation et à l’oppression du peuple palestinien qui sépare les gens en deux camps hostiles ». Car, écrivent-ils, « aussi longtemps que le peuple vit sous une occupation qui nie leurs droits nationaux et humains, nous ne pourrons parvenir à la paix ». Toute une nation, écrivent-ils encore, « vit une provocation dirigée contre les Palestiniens, des deux côtés de la « ligne verte », et nous, ici – jeunes en âge de la conscription, venant de différentes parties du pays et de différentes origines sociales – nous refusons d’adhérer à cette provocation systématique ou de participer à l’arme d’oppression et d’occupation du gouvernement. Nous refusons d’être recrutés et de servir dans une armée dépourvue de l’obligation de valeurs de paix, de justice et d’égalité ». Le service militaire obligatoire est de deux ans et huit mois pour les hommes et de deux ans pour les femmes. L’un des signataires est Matan Helman, 20 ans, du Kiboutz d’Haogen emprisonné pour refus d’enrôlement.
En décembre, le ministre de l’Éducation et les Forces armées israéliennes annonçaient la préparation d’un plan pour augmenter le nombre de conscrits pour les unités de combat. Les « refuzniks », ou « objecteurs de conscience contre l’occupation » qui refusent de servir, particulièrement dans les territoires occupés, restent minoritaires bien qu’en progression malgré l’illégalité de leur démarche qui les conduit le plus souvent en prison et les prive d’importants avantages sociaux.

– Libérez Ahed Tamimi
Chaque année, ils sont des centaines de jeunes israéliens à s’opposer aux méthodes de Tsahal dans les territoires occupés. La lettre des lycéens s’inscrit dans une longue liste de démarches identiques au cours des vingt dernières années, mais aussi de témoignages de simples soldats ou de hauts-gradés (dont certains ont été publiés en 2013 sous le titre « Livre noir de l’occupation israélienne », par les éditions Autrement). En 2015, plusieurs dizaines de jeunes envoyaient, également, une lettre au Premier ministre israélien expliquant leur refus de servir : « Le problème de l’armée, écrivaient-ils, est que son action dépasse les dommages infligés à la société palestinienne. Elle infiltre la vie de tous les jours en Israël : elle façonne notre système éducatif, nos opportunités d’emploi, tout en encourageant le racisme, la violence et la discrimination basée sur le genre, la nationalité et les critères ethniques », pouvait-on lire.
Il y a une vingtaine d’année, le camp de la paix était fort d’une majorité d’Israéliens. Depuis 2009 et l’arrivée au pouvoir de la droite dure incarnée par Benjamin Netanyahou, les « colombes » israéliennes ont du mal à se faire entendre. Mais Tsahal et le gouvernement israélien ne pourront indéfiniment violer les droits d’une Ahed Tamimi et des dizaines de milliers de jeunes palestiniens en révolte consciente et assumée.