Abdallah Zorhoub vend du matériel hospitalier à Gaza. Les lits et les tables d’examen sont déjà fabriqués sur place. Pour les équipements plus sophistiqués, ils sont importés et passent par Israël. En devanture du magasin d’Abdallah, un fauteuil dentaire importé de Chine. Combien ? Six mille dollars. Entre les taxes prélevées dans le port israélien d’Ashdod, les frais d’entrepôt, de transport, d’ouverture et de contrôle au passage israélien de Karni, c’est 50 % du coût qui part en Israël.
Et voilà que Mohamed Morsi est sorti vainqueur de l’élection présidentielle égyptienne. Dès le lendemain, l’Égypte a fait passer de 750 à 1 500 le quota de Gazaouis autorisés à entrer en Égypte. Du côté palestinien, on avait anticipé : le terminal tout neuf est quasiment terminé : un vaste hall ultramoderne climatisé, six boxes de front pour les contrôles de police, les ordinateurs sont en place, reliés au ministère de l’Intérieur qui, depuis plus d’un an, délivre les visas d’entrée par Internet (même pour les voyageurs qui passent par les tunnels !) Il y a aussi un salon VIP (very important person). Du côté égyptien, statu quo pour l’instant : 400 personnes qui attendent dans une sympathique pagaille, des piles de passeports qui passent de main en main et de bureau en bureau. On appelle à la criée les heureux bénéficiaires du coup de tampon salvateur. Quatre heures d’attente, au bas mot.
Mais, plus encore pour Aladeen al-Rafati, ministre de l’Économie de Gaza, c’est le libre passage des biens qui s’annonce. De l’essence égyptienne à la moitié du prix israélien, une zone franche qui permettra à Gaza d’importer et d’exporter dans le monde entier. Vingt hectares ont déjà été retenus du côté de Gaza et quatre-vingts du côté égyptien. Une chance aussi pour le développement économique de la province du Sinaï, ses produits agricoles, et aussi pour le port d’El-Arish, à soixante kilomètres de là. Et le ministre de préciser déjà les exportations probables du petit territoire : meubles, vêtements, jouets en plastique, fleurs, fraises, tomates-cerises…
Un ministre optimiste, qui annonce 15 000 emplois créés dans le secteur du bâtiment, avec un beau potentiel : du fait de la pénurie en matériel de construction, 20 000 logements seulement ont été édifiés l’an dernier, alors qu’il en faudrait 100 000. Autre secteur florissant : le « tourisme interne ». Soit 3 500 emplois créés dans les espaces aménagés sur la longue plage qui s’étend sur 35 kilomètres du nord au sud de la bande. Des plages bondées en cette période estivale.
Alors, bien entendu, tout cela ne se fera pas sans heurts. Et l’attaque meurtrière contre des soldats égyptiens à la frontière israélienne le 5 aout pose question. Plus que l’identification des auteurs, ce sont les objectifs qui alimentent les conversations : nuire sans aucun doute au nouveau pouvoir égyptien qui inquiète l’Occident, et nuire à l’ennemi déclaré, le Hamas qui gouverne à Gaza. Le président égyptien, en limogeant les hiérarques de l’armée, semble avoir repris la main. Pour les Gazaouis, il ne s’agit que d’un épisode qui ne retardera pas durablement les projets avec l’Egypte. Et en attendant, pour la première fois depuis longtemps, Gaza respire.