Le peuple du Zimbabwe qui a connu des décennies de répression et de difficultés, se réjouit, optimiste après le spectaculaire retrait du pouvoir de Robert Mugabe. Cependant, il y aura, très vite, un nouveau combat pour le futur du Zimbabwe, dont l’issue est très incertaine.
La crise économique
Il y a dix-sept ans, Robert Mugabe héritait d’une économie bien diversifiée dont le potentiel pouvait le placer parmi les pays les plus performants de l’Afrique sub-saharienne. Aujourd’hui, le Zimbabwe est au dernier rang de la région, avec un revenu réel par habitant qui a perdu 15% par rapport à 1980. Les files pour retirer les précieux dollars, aux distributeurs automatiques ARM juste quelques heures après l’intervention de l’Armée, le 15 novembre, sont une illustration du besoin en monnaie forte, reflet des difficultés d’une économie épuisée depuis des années.
Bien que, dans les premiers jours après l’indépendance, le gouvernement Mugabe se soit engagé dans le marxisme-léninisme, il n’afficha qu’une adhésion de façade au concept. Cependant, il créa une pléthore d’entreprises d’État, dont la plupart sont en faillite aujourd’hui. Le gouvernement aggrava ses problèmes en repoussant les investisseurs étrangers et en empruntant lourdement, en partie pour développer les services sociaux, en partie pour l’éducation.
Au début des années 1990, à la suite de la chute de l’Union soviétique et de son empire, le régime fut étouffé par le FMI, la Banque mondiale et les donateurs occidentaux dans un programme d’ajustements structurels, mal conçus et gérés de façon inepte. Ses concepteurs pensaient que la libéralisation du marché et de la finance, ajoutée à la réforme du service et des entreprises publics, générerait la croissance économique, avec le secteur industriel manufacturier comme locomotive. Cependant, nombre des réformes du secteur public furent mort-nées et la désindustrialisation accélérée. La production industrielle, aujourd’hui, est inférieure à 10% du PNB, contre un maximum de 25% au début des années 1990.
Loin de stimuler l’économie comme l’avaient promis les donateurs et les institutions multilatérales, les réformes du marché ont aggravé la crise économique, forçant Mugabe à prendre des mesures encore plus désespérées. Elles incluaient les indemnités non budgétisées des « Vétérans de guerre», aggravées par l’incursion militaire en République démocratique du Congo en 1998 pour soutenir la dynastie Kabila. Ensemble, elles ont contribué à accélérer le glissement vers l’effondrement de la monnaie et l’hyperinflation du début des années 2000.
Les Vétérans de guerre, encouragés par le régime qui les utilisait comme force politique paramilitaire pour faire appliquer certaines de ses décisions politiques et pour terroriser toute opposition, furent l’avant-garde de la chaotique redistribution de la terre lancée en 2000, avant les élections sur lesquelles nombre d’analystes affirment que le Mouvement pour un Changement démocratique de Morgan Tsvangirai (MDC-T) « avait le vote, mais perdu le compte ».
La réforme de la terre a accéléré le déclin économique de façon exponentielle. La production agricole a chuté et, en 2008, les volumes de production n’atteignaient que le tiers de la production maximum de 2000. Le PNB plongeait de 45% entre 2008 et 2009. En 2009, le Zimbabwe fut forcé d’abandonner sa devise – dont l’inflation avait atteint des sommets infernaux – et d’adopter le dollar comme principale monnaie d’échange. La dollarisation imposée stabilisa l’économie et conduisit à un rebond des revenus de 40%, bien que cette situation présente, aujourd’hui, un encéphalogramme plat.
Sans monnaie locale, l’offre monétaire devint entièrement dépendante des flux de dollars, privant, ainsi, les autorités de tout contrôle de sa politique monétaire. Mesure désespérée pour introduire plus de liquidités, le gouvernement lança les obligations (« bond notes ») en 2016. Elles étaient théoriquement soutenues par une monnaie solide, mais leur valeur se détériora rapidement.
Pendant ce temps, la situation de fond de l’économie continua de se détériorer. La Banque mondiale a publié un rapport sur le Zimbabwe dans lequel elle estimait que la croissance économique n’était que de 0,4% en 2016, avec un plongeon de l’agriculture de 4,2%, en partie à cause de la sécheresse. En outre, on s’inquiétait que les arriérés de paiement extérieurs ne conduisent à une contraction des importations et à un déclin du PNB. Malgré les subventions à l’exportation de 175 millions de dollars, le déficit commercial excède aujourd’hui 10% du PNB.
Les emplois non agricoles, soit environ 850 000, n’ont pas augmenté depuis la fin des années 1980, mais les emplois industriels sont tombés de 200 000 à 90 000. Aujourd’hui, le secteur public, hors Armée et, pour la plupart, enseignants, personnels de santé et fonctionnaires, représente plus de 40% des emplois formels. Les salaires sont bas et souvent impayés pendant plusieurs mois.
L’offre monétaire a augmenté de 36% en 2016 et 2017 et les obligations ont plongé de 80% sur le marché parallèle, menaçant d’une inflation encore plus forte. Si on prend les taux annuels, l’inflation est actuellement de plus de 14% et le déficitaire budgétaire représente 12% du PNB. La crise financière continue d’avoir un impact significatif sur les revenus, tandis que la sécheresse de 2016 a affecté le monde rural pauvre, de façon disproportionnée : le nombre de personnes dans une pauvreté extrême devrait avoir augmenté de 3,16 millions en 2015 à 3,28 millions en 2016 ; En outre, le nombre de personne en insécurité alimentaire devrait être de 4,4 millions fin 2016.
La crise politique
Dans la Review of African Political Economie, nous avons examiné le rôle des campagnes Tajamuka et ThisFlag comme exemple de mouvements populaires de la société civile qui ont protesté, dans la rue ou en ligne, de façon répétée contre le gouvernement, sa gestion de l’économie et la répression de l’opposition.
ThisFlag fonctionnait comme site internet par lequel les Zimbabwéens ordinaires peuvent exprimer leurs critiques envers le gouvernement, le dirigeant du groupe, le pasteur Evan Mawarire, appelant les Zimbabwéens à faire des grèves pacifiques et des « stay-aways » pour faire entendre leur voix (ACLED Conflict Trends, sept.2016). Au contraire, la campagne Tajamuka se concentrait sur le départ de Mugabe avant les élections de 2018 et s’est engagé dans des manifestations actives et des affrontements, à Harare et Bulawayo. Parallèlement à ces mouvements sociaux, le National Vendors Union of Zimbabwe (NAVUZ – Syndicat des commerçants) et d’autres organisations et associations de la société civile réclamaient, également, la fin de l’administration Mugabe.
Face au développement de la société civile, les partis conventionnels d’opposition étaient devenus de plus en plus inquiets de la perte de leur influence quant aux sentiments anti-Mugabe. Ils formèrent, donc, une alliance et s’engagèrent, également, dans un large mouvement de protestation contre le gouvernement. Cette alliance comprenait des anciens du régime et des politiciens de l’opposition ainsi que le Movement for Democratic Change (MDC-T) de Morgan Tsvangirai, le Zimbabwe People First (PF) de Tendai Biti et le Renewal Democrats of Zimbabwe (RDZ) d’Elton Mangoma.
Il y avait, également, des signes d’une tension et d’un factionnalisme croissants à l’intérieur de la Zanu-PF au pouvoir, alors que Robert Mugabe semblait favoriser sa femme, Grace, comme son successeur, et qu’elle donnait tous les signes montrant qu’elle était prête. Grace Mugabe –de 41 ans plus jeune que son mari – était vue comme une droguée du shopping de haut niveau. Mais, elle était devenue incroyablement active dans la vie publique ces dernières années. Ses ambitions étaient soutenues par le groupe dit G40, un groupe de jeunes partisans qui avaient gagné une réputation d’agressivité, mais aussi, de certains ministres de la Zanu-PF.
Née en Afrique-du-Sud, Grace était l’une des secrétaires de Mugabe lorsque démarra leur relation en 1987. Ils ont eu deux enfants en secret avant que l’épouse du président ne décède en 1992. Le couple s’est marié en 1996, au cours d’une cérémonie somptueuse à laquelle assistait Nelson Mandela, avant d’avoir un troisième enfant. Grace reçu un diplôme de doctorat de l’Université du Zimbabwe dont son mari était président, juste trois mois après s’être inscrite, et devint en 2014 la présidente de la ligue des femmes de la Zanu-PF en 2014.
C’est pendant sa campagne, en 2014, contre l’ex- vice présidente Joyce Mujuru, potentielle candidate à la succession de Mugabe, qu’elle a montré toute sa force de caractère. Grace a lancé des attaques verbales permanentes contre Mujuru, l’accusant de comploter pour renverser le président. Peu après, Mujuru fut limogée et, plus tard, exclue du parti Zanu-PF. Son approche frontale et son image publique lui a attiré peu d’affection au Zimbabwe, mais ses partisans ont cherché à la populariser en lui donnant des surnoms comme « Dr Amai » (Docteur Maman) et « the Queen of Queens », la Reine des Reines.
Au cours de l’année dernière, elle était devenue une prétendante sérieuse à la présidence. Ce qui a aggravé les tensions à la direction de la Zanu-PF jusqu’à ce que, finalement, en novembre 2017, le point de rupture était visiblement atteint.
Le point de rupture
En septembre 2017, une étude de la Research Advocacy Unit (RAU) était intitulée : « Le Zimbabwe depuis les élections de 2013 : perception en 2017 ». Elle notait un modèle de violence et d’intimidation sous l’autorité du président Mugabe et disait que le Zimbabwe était, en termes de violence, le pire pays post-indépendances en Afrique. Cependant, lorsqu’ explosa la crise qu’avaient prédite de nombreuses personnes, l’année précédente, ce ne fut pas sous la forme d’un soulèvement populaire contre la répression endémique, la violence et l’intimidation, ou une offensive concertée contre la domination politique de la Zanu-PF par les « forces démocratiques » et l’opposition politique, mais le résultat direct des luttes intestines au sein de la direction de la Zanu-PF pour la succession du président.
Deux vice-présidents se prenant par la gorge, la Première Dame, Grace Mugabe visant, désormais, le vice-président Emmerson Mnangagwa, dans une mêlée générale pour la succession, la situation avait atteint ce que NKC African Economics a appelé « un nouvelle et dangereuse menace ». Le conflit pouvait, également, s’étendre à l’Armée et aux services de sécurité, posant « une menace significative pour la stabilité », selon l’analyste de NKC, Gary Van Staden.
L’inquiétude était de plus en plus grande au sein d’une partie de la direction de la Zanu-PF et il devint évident en novembre 2017, pour l’Armée, que Grace Mugabe serait nommée vice-présidente au congrès du parti, en décembre. Sans doute est-ce le limogeage du vice-président Emmerson Mnangagwa par Robert Mugabe – qui semblait soutenir ses ambitions – qui a précipité l’intervention militaire des 14 et 15 novembre.
Le coup qui n’était pas un coup
Pendant la nuit du 14 novembre 2017, l’Armée a pris le contrôle de la radio et de la télévision de la Zimbabwe Broadcasting Corporation (ZBC) et le lendemain matin, le monde s’est réveillé en apprenant que des officiers de haut rang des Forces de Défense était intervenus pour mettre le président Robert Mugabe en garde à vue. Intervenant en tant que porte-paroles, le major-général Sibusiso Busi Moyo, lut une déclaration au milieu de la nuit dans laquelle il annonçait que l’intervention n’était pas un coup d’État militaire, mais visait à répondre efficacement à « une situation politique, sociale et économique en déliquescence » qui, sans intervention, pouvait finir en « conflit violent ».
Le général Moyo a expliqué que le président Mugabe était détenu dans l’intérêt de sa propre protection et que l’Armée ne faisait que « viser les criminels autour de lui qui ont commis des crimes causant la souffrance sociale et économique dans le pays ». À la fin de la journée, Robert Mugabe, apprenait-on, était assigné à résidence et sa femme, Grace Mugabe aurait quitté le pays, peut-être pour la Namibie ; Étaient également arrêtés des ministres et l’ex-vice président, Emmerson Mnangagwa que Mugabe avait limogé sous la pression de Grace quelques jours plus tôt, fut nommé président par intérim par les reste de la direction de la Zanu-PF.
Les exigences de la société civile
Selon l’agence Reuters (16 novembre), un jour après la prise de contrôle par l’armée et le confinement de Robert Mugabe dans sa résidence « dans son propre intérêt » pour assurer une transition politique pacifique, « plus d’une centaine d’organisations de la société civile ont demandé instamment à Robert Mugabe de démissionner de la présidence du Zimbabwe, suite à l’intervention militaire dans les affaires politiques du pays. Les organisations de la société civile ont demandé à l’Armée de garantir la restauration de l’ordre constitutionnel et un processus global pour résoudre les problèmes politiques et socio-économiques du Zimbabwe. Les organisations de la société civile qui ont signé le communiqué de presse (115 en tout), représente un large éventail de la société civile, y compris les groupes de femmes, les organisations religieuses, de jeunes, les associations communautaires, les groupes des droits de l’homme et les associations professionnelles et du commerce.
Elles ont appelé à « une résolution pacifique et constitutionnelle de la situation » et à « un retour immédiat à l’ordre constitutionnel et à la démocratie au Zimbabwe ». Elles ont exprimé l’opinion selon laquelle « la solution aux problèmes socio-économiques et politiques du Zimbabwe devrait être générée par un processus global réunissant toutes les parties », revendiquant, par là-même, le droit important à être impliquées dans tout « accord ». Elles ont appelé le Président Mugabe à démissionner et « imploré » les Forces armées de défendre et respecter la constitution et « exigé » qu’ils mettent en place une feuille de route claire et rapidement pour restaurer l’État de droit.
Elles ont aussi appelé le Parlement à « respecter et remplir leurs obligations constitutionnelles en créant les conditions pour un réalignement rapide des lois clé de la constitution dont la Loi électorale qui doit permettre une élection juste et honnête en 2018, en abrogeant la législation considérée comme des dispositions visant à vider progressivement la constitution de son sens, comme le Cyber Security AC, à rejeter immédiatement la Loi d’amendement de la Constitution n°1 de 2017 pour garantir l’indépendance de la Justice, à restaurer les libertés de rassemblement et de parole des citoyens en amendant les lois restrictives telles que le Public Order and Security Act (POSA) et l’ Access to Information and Protection of Privacy Act (AIPPA), à libéraliser l’espace médiatique et à garantir la neutralité des fonctionnaires dans les processus politiques liés à la Constitution.
Enfin, elles ont appelé la SADC (Southern Africa Development Community) à être « un arbitre » et à permettre un dialogue global avec les partis politiques, la société civile, l’Église, les travailleurs, les étudiants et autres parties intéressées. Ils ont suggéré que la SADC joue un rôle constructif et efficace pour faire pression sur les autorités afin qu’elles restaurent rapidement l’État de droit, et pour protéger les droits des citoyens. Pour finir, elles ont réitéré leur inquiétude que « les événements au Zimbawe posent des défis graves de sécurité pour les citoyens et pour l’ordre démocratique global », et en répétant leur engagement à défendre la constitution du Zimbabwe. « La transition politique du Zimbabwe doit être guidée par la constitution et un engagement ferme à respecter l’État de droit ».
Les organisations de la société civile s’inquiétaient du fait que l’intervention de l’armée et le contrôle de la situation politique ne se prolongent et constituent, effectivement, un coup militaire. Inquiétude, également, que tout régime suivant le départ de Robert Mugabe de la présidence se révèle peu différent du régime de parti unique précédent, en dehors du changement de président et d’un changement dans le rapport des forces politiques à la tête de la Zanu-PF.
Les Vétérans de la guerre qui ont, dans le passé, été souvent les partisans les plus loyaux du président Mugabe, ont aussi été clairs sur le fait qu’il devait maintenant partir et on appelé au vote de défiance. Certains, comme le président de l’Association des Vétérans de la guerre, Christopher Mutswangwa, a, même, appelé le président sud-africain Jacob Zuma, en tant que président de la SADC, à accélérer le processus : « Nous voulons voir Mugabe de dos », a-t-il dit.
L’élite du parti Zanu-PF s’est réunie pour discuter de la situation et il est rapidement devenu clair que ceux qui étaient présents (certains des partisans de Mugabe ne pouvant assister car ils avaient été arrêtés) furent unanimes dans leur volonté de démission du président. Il fut officiellement démis de ses fonctions de président du parti au pouvoir, lors d’une session extraordinaire du comité central, pour être remplacé par son ancien homme de confiance, l’ex-vice président Emmerson Mnangagwa, qu’il venait de limoger.
Les 18 et 19 novembre, des dizaines de milliers de personnes envahirent les rues de Harare et autres grandes villes du pays pour célébrer ce qui semblait être la fin du long règne de 37 ans de Mugabe, déchirant des affiches du président et brandissant des pancartes demandant l’expulsion de Grace du parti. Le soir du 19 novembre, Robert Mugabe s’adressait à la télévision nationale. Il devait – et cela lui avait été demandé clairement par ses « gardiens » militaires qui étaient présents dans le studio TV – présenter sa démission. À la surprise quasi-générale, cependant, et devant des officiers supérieurs visiblement consternés, mais hors caméra derrière lui, au lieu de démissionner, il s’est embarqué dans un long et incohérent discours, reconnaissant « que plusieurs événements s’étaient passés dans le parti », citant les échecs du passé, et en colère qu’ils aient pu motiver certains secteurs. Mais il promettait de rester en poste pour entreprendre des réformes.
Il déclarait, même, qu’il avait prévu de présider le congrès extraordinaire de la Zanu-PF du 12 au 17 décembre. Certains ont pensé qu’il avait lu le mauvais discours dans son intervention en direct, ou sauter les passages sur sa démission.
Peu après ce discours, le dirigeant des Vétérans, Chirs Mutswagwa, déclarait qu’il allait organiser des manifestations publiques dans les rues de Harare pour appeler à sa démission. (…) Le mardi, alors que le Parlement se réunissait pour lancer la procédure de destitution, une courte lettre était lue par le président de l’Assemblée. Elle confirmait que Robert Mugabe avait, finalement, démissionné.
Réaction à court terme, futur à long terme
La réaction de l’opinion publique a été immédiate et la joie pratiquement totale. (…) Emmerson Mgangagwa est maintenant le président par intérim et dirigeant de la Zanu-PF. Il est clairement ambitieux et ne cédera pas le pouvoir facilement. Il a oeuvré dans les coulisses pendant les derniers mois pour soutenir le processus avorté de Lima par lequel le gouvernement espérait nettoyer les vieux arriérés de la dette, ouvrant la voie à de nouveau fonds multilatéraux et, potentiellement, à plus d’investissements étrangers.
Il est très probable qu’il sera, au moins, la « face » du nouveau gouvernement, mais encore faudra-t-il voir s’il sera capable de maintenir sa position et continuer à diriger ce qui a été, de diverses manières, un régime de parti unique, grâce à la domination de la Zanu-PF. Le congrès de décembre sera décisif quant à la consolidation ou à l’affaiblissement de sa position. Il faudra voir, aussi, quel sera le rôle de l’association des Vétérans qui a évolué de façon décisive contre Robert Mugabe durant cette semaine cruciale.
L’opposition espère clairement que le Zimbabwe pourra revenir à un véritable système multipartis et que la période pré-électorale sera l’occasion d’un débat ouvert et démocratique et du respect des droits de rassemblement et d’expression d’opinions politiques différentes.
Finalement, les multiples éléments de la société civile espèrent avoir l’occasion d’exprimer leur revendication d’une orientation nouvelle du futur politique, social et économique du Zimbabwe dans une atmosphère d’ouverture et d’optimisme.
Il ne fait pas de doute que nombreux sont ceux qui prétendront que le pays a besoin d’une sorte de « package » de sauvetage international et qu’il doit, aujourd’hui, attirer les investisseurs étrangers. « Vous ne pourrez rien changer à cette économie sans soutien international », dit Welshman Ncube, le président du parti d’opposition MDC-T. Tendai Biti, ancien MDC-T qui a créé son propre parti, le Zimbabwe People First, et qui fut ministre des Finances MDC-T de 2009 à 2013 dans le gouvernement d’union nationale, a suggéré que l’économie pourrait rapidement aller mieux si elle était capable d’attirer les investissements étrangers et de se réintégrer dans l’économie mondiale : « Regardez comment nous nous sommes rapidement remis à l’époque du gouvernement d’union nationale, a-t-il dit, se référant à la baisse de l’hyperinflation après 2009. « Nous pouvons construire une économie à $100 milliards en quinze ans et obtenir un taux de croissance annuel de 7% ».
D’autres, cependant, préfèrent, peut-être, une voie vers la convalescence économique plus indépendante et s’inquiéteront de soumettre, une nouvelle fois, le Zimbabwe aux agences étrangères de développement, aux banques et aux intérêts directs.
Pour le moment, cependant, le peuple du Zimbabwe qui a connu des décennies de répression et de difficultés, se réjouit et reste optimiste. Mais, très vite, il y aura un nouveau combat pour le futur du Zimbabwe dont l’issue reste très incertaine.
Traduction de l’anglais : Chistine Delanne
* À la retraite depuis 2006, David Seddon était professeur de sociologie et de politique à la School of Development Studies, de l’université de l’Afrique de l’est. Il est aujourd’hui un chercheur indépendant et auteur, militant politique et directeur de la Critical Faculty. Il est l’auteur de nombreux ouvrages sur l’Afrique et le Moyen Orient chercheur-associé à l’Institut des Études arabes et islamiques de l’université d’Exeter.