Le 26 octobre, le sénateur Rand Paul (R-KY) a imposé un débat et un vote sur la présence militaire américaine au Niger. Le Sénat a voté à une écrasante majorité le maintien de nos troupes dans ce pays en difficulté. L’Afrique fait l’objet d’une attention accrue en raison de l’instabilité généralisée et de la lutte entre les superpuissances pour le continent. La présence des troupes américaines met les Américains en danger et ne résout aucun des problèmes de l’Afrique.
Par Brad Pearce*
À l’époque de la guerre froide, les États-Unis s’appuyaient principalement sur leur « puissance douce » en Afrique, mais leur présence militaire n’a cessé d’augmenter au cours des 30 dernières années. Il est temps de reconnaître l’échec de la présence militaire américaine en Afrique, de rapatrier nos troupes et de remplacer la violence par la diplomatie et le commerce. C’est la bonne chose à faire pour l’Amérique et la meilleure chose à faire pour l’Afrique.
Avant l’avènement de la guerre mondiale contre le terrorisme, les actions militaires américaines en Afrique consistaient principalement à évacuer des ressortissants américains en temps de crise, ce qu’ils ont fait à de nombreuses reprises en raison de la volatilité fréquente. Le premier grand déploiement américain a été l’opération des Nations unies en Somalie, qui s’est transformée en l’un des plus longs conflits de l’histoire américaine, sans parvenir à sécuriser la Somalie. L’empreinte américaine n’a cessé de s’étendre ; actuellement, la plus grande base américaine en Afrique se trouve dans le petit pays de Djibouti, sur la mer Rouge, tandis qu’il existe également une énorme et coûteuse base de drones à Agadez, au Niger, dans le Sahel central. En outre, les États-Unis entraînent des troupes sur tout le continent et ont déployé des commandos dans au moins 22 pays africains en 2022.
Lorsque les troupes américaines ont été déployées de manière permanente en Afrique pour la première fois après le 11 septembre, il n’y avait pas d’organisations terroristes transnationales connues sur le continent. Les États-Unis ont obtenu un meilleur prétexte pour leur présence lorsque l’Union des tribunaux islamiques a pris le contrôle de la Somalie en 2006. L’UTI a ensuite été expulsée par une invasion menée par l’Éthiopie, laissant dans son sillage une ramification connue sous le nom d’Al-Shabab, qui a ensuite prêté allégeance à Al-Qaïda. À la suite de l’invasion éthiopienne, les Nations unies ont autorisé la mission de l’Union africaine en Somalie [ANISOM], que les États-Unis soutiennent depuis son lancement en 2007 par une importante présence aérienne et terrestre.
Le terrorisme islamique radical ne s’est véritablement répandu en Afrique qu’à partir des années 2010, lorsqu’il a été fortement stimulé par les actions des États-Unis et de l’OTAN en Afrique du Nord et au Moyen-Orient. En particulier, lorsqu’une coalition de l’OTAN a renversé le dirigeant libyen de longue date Kadhafi en 2011, les combattants qu’il employait ont pillé son armurerie et sont retournés dans leur pays d’origine, relançant ainsi des rébellions dormantes. La guerre en Syrie a débuté à peu près à la même époque et a finalement permis à l’État islamique et à Al-Qaïda de gagner beaucoup de pouvoir et de territoire au Moyen-Orient. Parallèlement, la guerre des drones a gagné en popularité au sein de l’administration Obama, qui y voyait un moyen « bon marché » de mener des opérations antiterroristes dans l’ensemble du monde musulman. Lorsqu’ils ont été chassés de certains de leurs bastions par des frappes aériennes, Al-Qaïda et l’État islamique se sont rapidement développés en Afrique de l’Ouest, ce qui a donné aux États-Unis une justification supplémentaire pour accroître leur présence militaire dans la région, notamment au Niger.
Pendant un certain temps, la présence de troupes de combat américaines en Afrique de l’Ouest était un secret si bien gardé que lorsque quatre militaires américains ont été tués dans une embuscade au Niger en 2017, plusieurs législateurs éminents chargés de superviser l’armée américaine, y compris les bellicistes notoires que sont le sénateur Lindsey Graham (R-SC) et le défunt sénateur John McCain (R-AZ), ont reconnu qu’ils n’étaient pas au courant de la présence de troupes américaines dans le pays. Une exception à cette règle est le représentant Charlie Dent, qui a déclaré à Chris Cuomo de CNN :
« En ce qui concerne le Niger, je siège à la commission des crédits. Je supervise les projets de construction militaire. Nous sommes présents là-bas. Pas seulement là-bas, mais dans toute la région du lac Tchad, en soutenant les troupes locales pour lutter contre Boko Haram, en soutenant les opérations en Afrique de l’Ouest et l’opération au Mali. Nous avons donc toutes sortes de personnes dans cette région qui luttent contre un ennemi très dangereux, ISIS en Afrique de l’Ouest, en particulier« .
Il s’agit là d’un aperçu étonnant du manque de réflexion des États-Unis sur leur présence militaire en Afrique à l’époque – les dirigeants civils chargés de superviser l’activité militaire ignoraient la présence de l’armée en Afrique de l’Ouest. Le seul contrôle exercé par le Congrès concernait les dépenses, qui comprenaient à l’époque la construction de la base de drones d’Agadez.
L’échec persistant en Afrique n’a pas dissuadé les décideurs politiques américains de poursuivre les mêmes stratégies. Dans The Intercept, le journaliste Nick Turse rapporte qu’en 2002 et 2003, le département d’État américain n’a signalé que neuf attaques terroristes dans toute l’Afrique, alors qu’en 2022, il y en a eu 2 737 rien qu’au Mali, au Burkina Faso et au Niger.La source de ces statistiques est le Centre d’études stratégiques pour l’Afrique, géré par le ministère américain de la défense, qui a publié début 2023 un rapport dévastateur sur la sécurité dans la région après 20 ans de forte implication des États-Unis dans la lutte contre le terrorisme.Le rapport indique que les décès dus au terrorisme en Afrique ont augmenté de 48 % pour la seule année 2022 ; le rapport souligne l’ironie du fait que le terrorisme a augmenté depuis le coup d’État au Mali, pour lequel le manque de sécurité a été utilisé comme justification, mais ne mentionne pas le fait qu’il n’y avait pratiquement pas de terrorisme avant que les États-Unis ne s’impliquent dans les opérations de lutte contre le terrorisme dans la région.
Comme si cela ne suffisait pas, les programmes de formation qui sont un élément clé de la politique africaine des États-Unis ont fait leurs preuves en renversant les gouvernements qu’ils sont censés soutenir. En août 2023, au moins 12 coups d’État ont été perpétrés par du personnel formé par les États-Unis depuis 2008. Une étude réalisée en 2022 a montré que la formation américaine rend les soldats plus favorables aux États à parti unique et moins intéressés par la préservation des droits de l’homme. Après leur formation, ils comprennent l’intérêt de réduire les conflits au sein d’un État en prenant seul le pouvoir. Ils ont été formés également à des compétences permettant de mener à bien des coups d’État. Ne vous inquiétez pas, le commandant de l’AFRICOM, le général Michael Langley, a toute confiance dans notre « programme » qui consiste à leur dire « s’il vous plaît, ne faites pas de coups d’État ». Nulle part en Afrique la présence des troupes américaines n’a atteint ses objectifs.
Vingt ans plus tard, l’Afrique compte beaucoup plus de terrorisme et moins de gouvernements démocratiques. Ces deux éléments sont censés être des objectifs clés des États-Unis.
La chose la plus importante pour que les États-Unis aient un avenir productif en Afrique est de se débarrasser de la guerre mondiale contre le terrorisme. Abukar Arman, analyste géopolitique somalien et ancien diplomate, a déclaré au début de l’année que « tant que la politique américaine à l’égard de l’Afrique restera axée sur la lutte contre le terrorisme et sera mise en œuvre par des drones de l’AFRICOM qui n’ont de comptes à rendre à personne, il n’y aura jamais de partenariat stratégique durable avec des pays clés tels que la Somalie ». Il a raison de dire que les hommes qui dirigent la politique africaine des États-Unis et les machines qu’ils utilisent sont des drones et que ni l’un ni l’autre ne produit les résultats escomptés.
Le Sénat américain a montré qu’il avait l’intention de poursuivre la politique des zombies en votant en faveur du maintien au Niger et en exposant nos troupes à des niveaux de risque inacceptables sans pouvoir atteindre le moindre objectif. La seule voie sage à suivre est de mettre fin à notre guerre contre la terreur en Afrique et de s’engager avec les nations africaines comme de véritables partenaires dans le domaine du commerce et du développement.
À propos de Brad Pearce
*Brad Pearce écrit The Wayward Rabbler sur Substack.Il vit dans l’est de l’État de Washington avec sa femme et sa fille. Brad s’intéresse principalement à la manière dont les récits des gouvernements et des médias façonnent la compréhension du monde par le public et génèrent un soutien à des politiques insensées et destructrices.
The Libertarian Institute
https://libertarianinstitute.org/articles/u-s-out-of-africa-now/
Traduit par Brahim Madaci