Alors que la France s’est engagée dans le conflit malien en envoyant des forces sur le terrain ce week-end, le directeur de la publication du journal algérien El Watan, Omar Belhouchet, répond aux questions de RFI. Il revient notamment sur les efforts de l’Algérie ces derniers mois en vue d’une solution négociée, des efforts qui ont volé en éclats avec les attaques menées par les groupes armés il y a quelques jours à Konna.
RFI: Est-ce que cette intervention française au Mali est une bonne chose ?
Omar Belhouchet :Oui, absolument ! Je crois qu’il y a eu un échec de la voie diplomatique engagée par l’Algérie, soutenue un peu plus tard par les Français, par les Américains. Les Algériens avaient réussi à convaincre les Mauritaniens, les Tchadiens, un certain nombre de pays africains, qu’il fallait d’abord négocier avec un certain nombre de factions qui occupent le nord du Mali et qu’il fallait donc aller sur la voie politique. Et puis là, depuis quelques jours, les choses ont complètement changé.
Les négociations qui étaient menées à Alger ont été interrompues. Les terroristes qui occupent le nord du Mali ont repris un peu leur liberté. Ils ont décidé de ne plus aller sur la voie politique, sur la voie du dialogue national malien, sur la voie de la négociation, pour essayer de rétablir les choses au nord du Mali. Et puis, il y a eu cette incursion, cette volonté d’occuper Bamako. À partir de là, je crois que les données ont complètement changé et qu’une intervention militaire était inévitable, pour que le Mali ne plonge pas dans le chaos.
Donc, la guerre était une bonne solution ?
Une solution inévitable ! La guerre est une mauvaise chose, dans tous les cas de figure. Mais dans la situation que nous vivons actuellement au Sahel, il était totalement exclu qu’il n’y ait pas d’intervention internationale, en premier lieu celle de la France, puisque la France a des capacités d’intervention assez rapide.
Le ministre français des Affaires étrangères, Laurent Fabius, a remercié dimanche 13 janvier l’Algérie, d’avoir autorisé le survol de son territoire. Qu’est-ce qu’il en est exactement de ce survol ? Est-ce que ce sont des avions militaires ou simplement des avions qui transportent de la logistique, ou des avions qui transportent de l’armement, qui survolent le territoire algérien ?
On n’a pas plus d’informations. Les autorités militaires algériennes, comme vous le savez très bien, ne communiquent pas beaucoup. Mais nous croyons savoir que ce sont les avions Rafale qui ont survolé le territoire algérien. Les Rafale, comme vous le savez, ont bombardé un certain nombre de bases logistiques des groupes terroristes, dans le nord du Mali. À Gao et d’autres points du nord du Mali.
Donc, ça constituerait un tournant assez important dans la politique algérienne, vis-à-vis de la France et vis-à-vis des interventions militaires françaises ?
Incontestablement ! L’Algérie a tout fait, à juste titre, pour que les choses se règlent de manière diplomatique, que la solution soit beaucoup plus politique, qu’il y ait un isolement des éléments d’Aqmi, que les autres mouvements, notamment le mouvement traditionnel de l’Azawad, du mouvement du MNLA, soient convaincus qu’il faut revenir à la table des négociations, qu’il y ait rétablissement d’une autorité malienne, qu’il y ait un consensus politique malien national, et que l’on aille vers des réformes politiques.
Mais tout ça, finalement, a été complètement mis de côté. Les diplomates algériens aujourd’hui se sentent trahis par les représentants d’un certain nombre de groupes maliens. Et il est clair que tout ce temps a été mis à profit de la négociation, pour que les groupes terroristes se réorganisent, se préparent. Et on l’a vu, à la surprise générale d’ailleurs, il y a eu cette volonté d’aller occuper Bamako. Et ça aurait été une catastrophe pour le centre du Sahel.
Craignez-vous un repli des islamistes et des forces qui sont combattues par les Français aujourd’hui en Algérie ?
Dimanche, l’aviation française a bombardé, a détruit, un certain nombre de positions des groupes terroristes dans le Nord. Il y a des éléments qui sont en train de fuir, donc vers le nord. Il est clair qu’il y aura volonté, il y aura tentative de ces éléments, de se replier vers le sud de l’Algérie, donc vers les Monts du Hoggar.
Et je crois savoir qu’il y a déjà un accord qui avait été un accord entre les autorités algériennes et les autorités françaises, pour que l’armée algérienne empêche ces éléments de pénétrer dans le territoire algérien, qui est un territoire immense, et empêche que le territoire algérien soit le repli pour ces groupes terroristes.
RFI
14 janvier 2013