La musique adoucit les mœurs, selon un proverbe populaire. Surtout quand la mélodie venant de l’Orient mythique, portée intelligemment par la poésie, vous transporte sur un tapis volant, vers un univers apaisé, un univers d’harmonie et de paix. C’est ce médium éminemment culturel qu’a choisi le paisible sultanat d’Oman pour transmettre avec brio un message de tolérance, d’ouverture et de rationalité à l’intention d’un public français médusé.
C’est en tout cas l’esprit qui a prédominé tout au long des Journées omanaises d’information, qui s’étaient déroulées la semaine écoulée, à l’Institut du monde arabe (Ima) et à l’Ambassade du Sultanat d’Oman à Paris. Le petit mot introductif de Jack Lang, président de l’Ima et de Humaid Al-Maani, Ambassadeur du Sultanat à Paris, en présence du vice-ministre omanais de l’Information M. Ali Al-Jabiri, a résumé d’emblée la vision politico-philosophique du Sultan Qabous qui a choisi, dès son accession au pouvoir, de faire de la tolérance, de l’ouverture d’esprit, du pragmatisme et de la politique de la main tendue les fondements même de sa gouvernance.
Livres, photos, films, dorures et costumes, une nature extraordinairement riche et contrastée, où se succèdent et cohabitent mer, montagnes et dunes de sable, ont représenté les diverses facettes de ce qu’on appelle « le paradis de l’île » avec ses hommes et ses femmes, toutes générations confondues. Un concentré d’histoire et de culture vivante que l’artiste Khamis al-Moharbi a réussi le tour de force de reproduire dans son film « l’homme omanais ».
La soirée poétique et musicale organisée à l’Ima, à l’occasion du quarantenaire des relations diplomatiques franco-omanaises, a été, elle aussi, un vrai enchantement. Les trois poèmes intitulés « Ne meurs pas », « L’Adieu des deux amoureux » et « Ô combien je t’ai adoré », admirablement récités par la jeune poétesse Choumayssa Al-Noua’mani, plusieurs fois primée, accompagnée des musiciens de l’Association des amateurs du luth au Sultanat d’Oman (Mariam al-Mangi, Wahb al-Danqui, Bader al-Yaaquoubi, Salah al-Moussafer, Sleiman al-Mouquimi sous la direction du virtuose Salem al-Miqurachi), ont transporté le public dans un univers de passion, d’entrain et de nostalgie.
La poétesse Choumayssa accompagnée de la musicienne Mariam al-Mangi, au violoncelle, auront été les divas de cette soirée sous la houlette du grand maestro Al-Miqurachi.
Et si les deux jeunes femmes de talent ont été les « ambassadrices de la diplomatie culturelle omanaise » à Paris, l’ambassadeur Ghazi al-Rawass, de son côté, a su, dans une conférence magistrale à la Sorbonne, transmettre à son auditoire son érudition et son expérience au service de son pays. Il y a surtout analysé les aspects diplomatiques et historiques des relations entre le Sultanat d’Oman et la France en s’attardant sur les dates charnières qui ont émaillé les quatre derniers siècles. Il s’est employé à expliquer la vision que se fait le Sultan Qabous des relations internationales et régionales, une vision faite de pragmatisme, de sagesse, de nuances et de subtilités. Pour ce monarque de son temps, les relations internationales ne se conçoivent pas en dehors de la coopération, du respect mutuel entre les nations, et de la résolution pacifique des conflits sans interférence dans les affaires internes des autres pays.
Il a également détaillé les relations entre Mascate et Paris depuis la visite historique du Sultan en France en 1989 et celle de François Mitterrand en 1992 et l’inauguration de la maison franco-omanaise à Mascate. Il a expliqué le rôle qu’a joué le Sultan dans la libération des Français kidnappés au Yémen et la visite de Nicolas Sarkozy en 2011 dans la capitale omanaise.
En réponse aux questions posées par des professeurs et des doctorants à la Sorbonne, l’ambassadeur Al-Rawass a affirmé que l’Iran, qu’on connaît très bien, ne cherche pas à diviser la région mais il essaie d’obtenir la reconnaissance qui lui revient comme un grand État du Moyen-Orient. Il a insisté également sur la nécessité de maintenir le conseil de coopération des États arabes du Golfe, dans sa forme actuelle, sans l’élargir, car « la chambre ne peut pas accueillir plus que 6 pays », en allusion aux initiatives de l’Arabie Saoudite qui chercherait à l’élargir à d’autres membres sans attaches géographiques et géopolitiques avec la région du Golfe. Il admet, par contre, que la priorité devrait aller au Yémen au sein du CCAG. Il a notamment affirmé que son pays est un havre de paix dans une région en ébullition, ce qui explique pourquoi aucun attentat terroriste n’a eu lieu au Sultanat.
Al-Rawass a insisté, en dernier lieu, sur le rôle important de la femme omanaise qui a été la première à participer au niveau des pays arabes du Golfe au « conseil consultatif « Majlis ashawra », qui fait office de parlement, et jouit depuis des décennies d’un rôle efficace dans la conduite de la société civile omanaise.
Auparavant, le vice-ministre omanais M. Ali Al-Jabiri a loué le rôle phare de la Sorbonne dans le rayonnement et la diffusion des idées novatrices dans le monde, et a noté le message de paix et de prospérité que son pays adresse à la France. En signe d’amitié, il a offert un bateau omanais en miniature à la vice-présidente de la Sorbonne-Panthéon la Prof. Yvonne Flour.
Faire passer des messages d’ouverture et séduire un public étranger, n’est pas une mince affaire ; cela nécessite un doigté hors pair, et surtout la présence d’icônes culturelles qui cassent les stéréotypes. C’est chose faite.