En annonçant à Washington unilatéralement un « nouvel accord » sur le nucléaire iranien, Emmanuel Macron fait, une nouvelle fois, la démonstration de son ambition de leader sur la scène internationale aux côtés des États-Unis. Pensait-il vraiment être suivi par les autres signataires de l’accord de Vienne ?
Après l’épisode « Trump mon ami avec lequel je ferai de grandes choses et je deviendrai le leader de l’Europe », après les serrages de main, les embrassades, les « donne moi ta main et prends la mienne », les regards langoureux, les cadeaux, les tapes dans le dos, les opérations séductions des deux épouses présidentielles, il a bien fallu au président français de passer aux choses sérieuses qui divisent. Mais Emmanuel Macron garde toujours un atout dans sa poche, question de nourrir son ego surdimensionné et de montrer aux Français et autres qu’il maîtrise la situation en toutes circonstances.
Il avait annoncé tous azimuts qu’il serait l’homme qui ferait fléchir son « ami Donald » sur la question de l’accord sur le nucléaire iranien conclu le 14 juillet 2015, à Vienne, après des années de négociations, sous l’égide de l’ONU, avec la participation de l’Union européenne, par les États-Unis d’Obama, la Russie, la Chine, la France, le Royaume uni et, bien sûr, l’Iran. Donald Trump est resté ferme sur ses positions et a vaguement fait savoir qu’il prendrait une décision le 12 mai. En réalité, le 12 main, Donald Trump doit décider de renouveler ou non la suspension temporaire d’une certaine catégorie de sanctions à l’encontre de l’Iran. L’accord qui prévoit le gel du programme nucléaire iranien jusqu’en 2025, est jugé « insuffisant » et « ridicule » par le président américain dont on connaît l’agressivité à l’égard de Téhéran.
Ne supportant l’échec, Emmanuel Macron a sorti de son chapeau l’idée d’un « nouvel accord » sur lequel « un petit groupe » de ministres français serait déjà « en train de travailler ». Au mépris de ses propres troupes de La République En Marche (LREM) d’abord. Quelques jours plus tôt, la député LREM, Delphine O, était à l’initiative d’une lettre ouverte signée par 500 députés français, britanniques et allemands, publiée dans les principaux quotidiens des trois pays et transmise à leurs homologues du Congrès américain, leur demandant de sauver l’accord sur le nucléaire iranien. « Il n’y a pas d’alternative à l’accord », déclarait Delphine O.
D’autre part, en annonçant unilatéralement, et au cours d’une conférence de presse, ce qui n’a rien de très diplomatiquement respectueux, une nouvelle mouture de l’accord avec l’Iran, Emmanuel Macron efface douze années de négociations entre les cinq plus grandes puissances de ce monde et l’Iran. Sans avoir consulté les partenaires de la France, le président français, avec son arrogance habituelle, a pris le risque de faire éclater une cohésion difficilement acquise et essentielle. Le président iranien, Hassan Rohani, a immédiatement contesté la l’idée d’un « nouvel accord », jugeant, en outre, Donald Trump incapable de négocier des traités internationaux, comme il l’a montré depuis son arrivée à la Maison Blanche. « Ensemble avec un chef d’un pays européen, ils disent : « Nous voulons décider pour un accord conclu à sept. Pour quoi faire ? De quel droit ? », a-t-il demandé dans un discours prononcé à Tabriz. « Vous voulez dire comment cela devrait se passer dans les prochaines années. Dites-nous, s’il vous plaît, d’abord, ce que vous avez fait au cours des deux dernières années », a-t-il ajouté, accusant le Trésor américain d’imposer des sanctions unilatéralement tous azimuts, frappant particulièrement les banques commerciales américaines qui traitent avec l’Iran.
Le président iranien a souligné que l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) de l’ONU chargée de contrôler le respect de l’accord par les Iraniens, confirme régulièrement que l’Iran se conforme à ses engagements. « Nous avons montré notre bonne volonté, a-t-il dit, nous voulions prouver au monde que l’Iran ne cherche pas à se doter d’armes de destruction massive. Avec cet accord, nous avons fait tomber les accusations et prouvé que les États-Unis et Israël mentent à propos de l’Iran depuis des décennies ».
Même son de cloche du côté de Moscou. Le porte-parole du Kremlin, Dmitri Peskov a, également, réagi, en affirmant que la Russie estime que l’accord doit être préservé dans son état actuel. « Nous estimons que, pour l’heure, il est sans alternative », a-t-il déclaré. La veille, Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères, avait déjà mis les choses au point en prévenant que la Russie et la Chine bloqueraient toute tentative de « sabotage » de l’accord. « Nous disons clairement, de concert avec la Chine, que nous bloquerons toutes les tentatives de saboter ces accords qui ont été approuvés dans le cadre d’une résolution de l’ONU », déclarait-il. Il jugeait « toute révision du texte inacceptable ». « Il y a des tentatives pour interférer avec l’ordre international dont dépendent les Nations unies », déclarait-il à l’issue d’une entrevue avec son homologue chinois, Wang Yi.
Federica Mogherini, à la tête de la diplomatie de l’Union européenne, a, elle aussi, déclaré que « l’accord existe, il fonctionne, il doit être préservé, ajoutant, « quant à ce qui peut arriver à l’avenir, on verra bien ». Le 16 avril, à Luxembourg, lors d’une réunion des ministres des Affaires étrangères de l’UE, Federica Mogherini avait déjà exclu « de mettre en discussion la mise en oeuvre de nos engagements pris dans le cadre de l’accord conclu avec Téhéran sur le nucléaire ».
Avec cette annonce, une fois de plus, le président Macron montre son mépris des règles de la diplomatie internationale et de l’ONU et son alignement sur Washington, comme il le fait depuis son arrivée à l’Élysée, particulièrement en Syrie, en décidant unilatéralement de se joindre aux bombardements américains décidés par son « ami » Trump. En cela, il prend de plus en plus le risque d’exploser lui-même en vol.
Christine Abdelkrim-Delanne