L’Iran a conclu un accord intérimaire, renouvelable tous les six mois. Il s’agit d’un premier pas vers la normalisation des relations entre les États-Unis et la République islamique d’Iran. Cet accord n’est pas du goût d’Israël et de l’Arabie Saoudite.
Cet accord intérimaire oblige l’Iran à mettre un frein à ses activités nucléaires en échange d’une réduction limitée et graduelle de sanctions à l’endroit de la République islamique.
L’entente émane de l’élan issu du dialogue amorcé lors de la réunion annuelle des Nations unies en septembre dernier, incluant une conversation téléphonique d’une durée de 15 minutes entre le président américain Barack Obama et le nouveau président iranien, Hassan Rouhani. Il s’inscrit également dans la suite logique de l’accord Kerry-Lavrov à propos du démantèlement de l’arsenal chimique syrien.
Il s’agit d’un jalon marquant entre les deux pays, qui ont rompu leurs relations diplomatiques il y a 34 ans lorsque la révolution islamique qui s’installait alors en Iran a mené à une invasion de l’ambassade des États-Unis à Téhéran. Depuis ce jour, les liens entre les deux pays ont varié de froids à hostiles – jusqu’aux récents échanges entre les deux présidents.
Lors d’une déclaration officielle à la Maison-Blanche, samedi soir, le président Barack Obama a déclaré que cette entente représentait « un important premier pas » et « un nouveau chemin » vers un monde plus sécuritaire. Selon M. Obama, l’accord inclut des « contraintes substantielles » à l’endroit de l’Iran et lui bloque l’accès le plus probable vers la fabrication d’une bombe nucléaire. Une bombe que les Iraniens n’avaient jamais voulu en acquérir.
Un communiqué de la Maison-Blanche décrivait l’entente nucléaire de « pas initial, d’une durée de six mois ».
De façon plus spécifique, le communiqué précise que l’entente limitera les stocks existants d’uranium enrichi de l’Iran, qui peut être transformé en matière fissile servant à fabriquer des ogives atomiques. Il ajoute que le programme nucléaire iranien sera sujet à « une transparence accrue et une surveillance à grande échelle ».
En échange, le communiqué a promis une « réduction (des sanctions) limitée, temporaire, ciblée et réversible » à l’endroit de l’Iran, tout en ajoutant que « la structure des importantes sanctions pétrolières, bancaires et financières demeurait en place ».
Le communiqué précise aussi que toute réduction limitée des sanctions sera révoquée et de nouvelles pénalités seront imposées si l’Iran ne respecte pas ses engagements.
Ce consensus survient après presque dix ans d’efforts internationaux vains pour mettre fin à l’expansion du programme nucléaire iranien. Téhéran insiste sur le fait que son programme a des visées pacifiques et non pour objectif de construire des armes nucléaires.
Les négociations entre les deux clans semblaient s’être embourbées, dimanche matin, malgré l’intervention personnelle du secrétaire d’État américain John Kerry et d’autres ministres des Affaires étrangères, dont la présence avait soulevé des espoirs d’une solution. Les deux parties s’étaient limitées à dire que les négociations se concentraient sur la structure précise des textes qui pourrait s’avérer essentielle dans la formation d’une entente qui conviendrait aux deux camps.
Le sous-ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi avait notamment décrit les négociations comme se trouvant « dans leur onzième heure », soit que la majorité des problèmes étaient réglés, mais qu’un accord n’était pas encore conclu. S’adressant à des journalistes, M. Araghchi avait confié que les deux parties s’étaient entendues sur 98 % de la version préliminaire, mais que les 2 pour cent restants étaient très importants pour son pays.
Le but était de parvenir à un accord pour geler le programme nucléaire iranien pendant six mois, tout en offrant aux Iraniens un relâchement limité des sanctions économiques.
Tout en se disant prêts à accepter des compromis, les Iraniens portaient attention aux critiques de la part des tenants de la ligne dure, à Téhéran, qui s’opposent aux ententes avec les États-Unis.
M. Kerry et ses homologues de la Russie, de la Grande-Bretagne, de la France, de la Chine et de l’Allemagne avaient rejoint les discussions à Genève, après que les Affaires étrangères iraniennes et la chef de la diplomatie européenne Catherine Ashton eurent fait état de progrès sur l’enrichissement et d’autres dossiers, vendredi.
Les grandes étapes de la crise sur le nucléaire iranien
2003 : l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) révèle en août des traces d’uranium enrichi à Natanz (centre de l’Iran) où des photos satellites diffusées fin 2002 par la presse américaine ont révélé l’existence d’un site nucléaire. Après une visite inédite des chefs de la diplomatie français, allemand et britannique en octobre, l’Iran suspend ses activités d’enrichissement d’uranium. Il s’y réengage fin 2004 après des volte-face mais assure qu’il ne « renoncera jamais » à l’enrichissement.
2005 : en août, après l’élection du président conservateur Mahmoud Ahmadinejad, l’Iran reprend ses activités d’enrichissement à Ispahan (centre). Paris, Berlin et Londres rompent les négociations.
2006 : les cinq membres permanents du Conseil de sécurité de l’ONU (États-Unis, Russie, Chine, France, Grande-Bretagne) donnent en janvier leur feu vert à l’AIEA pour saisir l’ONU. L’Iran annonce avoir procédé pour la première fois à l’enrichissement d’uranium (à 3,5 %). En juin, les membres permanents du Conseil de sécurité et l’Allemagne (« 5+1 ») offrent en vain à l’Iran des incitations en échange de l’arrêt de l’enrichissement. L’ONU inflige en décembre des sanctions à l’Iran, régulièrement renforcées depuis, comme celles des États-Unis et de l’Union européenne (UE).
2007 : l’Iran annonce avoir franchi le cap de 3000 centrifugeuses, étape symbolique permettant la fabrication d’une bombe atomique.
2009 : alors que le nouveau président américain Barack Obama tend la main à Téhéran, les 5+1 proposent de reprendre les discussions. Au même moment, l’Iran inaugure à Ispahan sa première usine de combustible nucléaire. En octobre, la reprise des négociations 5+1 à Genève débouche sur un accord pour enrichir à l’étranger l’uranium iranien mais il n’aboutit pas.
2010 : l’Iran annonce commencer à enrichir de l’uranium à 20 % à Natanz. Le 17 mai, une initiative turco-brésilienne voit le jour prévoyant l’échange en Turquie d’une partie de l’uranium iranien faiblement enrichi contre du combustible nucléaire.
2011 : en janvier, les négociations Iran/5+1 à Istanbul achoppent de nouveau. La centrale nucléaire de Bouchehr est raccordée au réseau.
2012 : l’AIEA annonce en janvier que l’Iran a commencé à enrichir de l’uranium à 20 % à Fordo (centre). Après quinze mois d’arrêt, les négociations Iran/5+1 reprennent en avril à Istanbul, puis à Bagdad et à Moscou, sans connaître d’avancées.
2013 : en février à Almaty (Kazakhstan), les 5+1 proposent d’alléger certaines sanctions en échange d’une simple suspension de l’enrichissement mais les discussions en avril échouent. Fin septembre, le nouveau président iranien, Hassan Rohani, parle au téléphone avec Barack Obama (premier échange à ce niveau depuis 1979). Parallèlement une rencontre ministérielle inédite Iran/5+1 se tient à New York. L’optimisme prévaut aux négociations de Genève mi-octobre mais un nouveau round de discussions s’achève le 9 novembre sans accord en raison notamment de la position des Français qui durcissent les exigences. Le 20 novembre, les négociations reprennent à Genève, suscitant un chassé-croisé diplomatique mondial sans précédent. Au quatrième jour, les ministres des Affaires étrangères sont arrivés et après de longues heures de discussions un accord a été conclu au milieu de la nuit.
Source : Associated Press et agences