Après le Ghana, l’Afrique du Sud va-t-elle se soumettra aux injonctions des fonds vautours ?
Contrairement au Ghana, l’Afrique du Sud ne semble pas prête à céder aux exigences du hedge fund NML-Capital, filiale d’Elliot Capital contrôlée par le milliardaire américain, Paul Singer, l’un des plus gros financiers du Parti républicain, proche de George W. Bush. Le NML avait fait, on s’en souvient, main basse sur la frégate argentine Libertad, dans le port de Tema, au Ghana, avec l’accord d’un juge ghanéen. Basé aux îles Caïmans, ce fonds vautour filiale d’Elliot CapitAL, tente de récupérer les 370 millions de dollars placés en bons du trésor argentins avant le naufrage financier de 2001. Avant la « prise » de Tema, Elliot Capital avait fait 28 tentatives infructueuses de saisies des biens argentins à l’étranger. La Libertad est un célèbre navire école avec plus 330 marins à bord dont 280 ont finalement été rapatriés à Buenos Aires, le 25 octobre, après trois semaines de rétention à bord. Le commandant de bord et 40 hommes sont toujours retenus en « otages ».
En Afrique du Sud, c’est autour de la corvette Ara Espora d’être dans la ligne de mire d’Elliot Capital. Ce navire avait dû abandonner les manœuvres navales conjointes, Atlassur IX, avec l’Afrique du Sud, le Brésil et l’Uruguay pour cause d’avarie et est immobilisé pour réparation à la base navale de Simontown. Dans son cas, le fonds vautour aura, sans doute, beaucoup plus de difficultés à faire effectuer la saisie, si jamais il y arrive. Les ministres sud-africain et argentin des Affaires étrangères se sont rencontrés à l’occasion de la réunion bilatérale de coopération entre les deux pays. Il a, bien sûr, aussi été question du sort de la corvette. La loi internationale de saisie ne s’applique pas aux navires de guerre, comme le souligne le ministre argentin, Hector Timerman. Mais, plus important encore, contrairement au Ghana, l’Afrique du Sud et l’Argentine ont des liens politiques forts et anciens qui laissent supposer qu’Elliot Capital n’arrivera pas à ses fins. En outre, les pratiques d’Elliot Capital sont déjà connues en Afrique du sud où le fonds s’était lancé dans quelques tentatives financières toxiques.
Il est rare, cependant, que les fonds vautours, dont Elliot Capital est l’un des plus importants selon Wall Street, bénéficie de jugements favorables comme au Ghana. Dans son ouvrage Default and lessons from a decade of crisis, l’économiste et banquier argentin Federico Sturzenegger mentionne 35 cas en vingt ans dont six seulement ont récupéré 100% de la valeur nominale des bonds. Elliot Capital est le spécialiste de ce type d’opération financière et se retrouve aujourd’hui en contentieux avec plusieurs pays, dont le Congo, la Côte d’Ivoire, le Nicaragua et le Turkmenistan, outre l’Argentine.
Le danger que représentent les pratiques des fonds privés pour la souveraineté des États est réel. Hernan Lorenzino, le ministre argentin de l’Économie, l’a rappelé aux ministres des Finances du G20, réunis le 5 novembre dernier à Mexico. « Il y a quelques années, on nous prenait pour des fous lorsqu’on alertait sur les hedge funds, aujourd’hui on doit reconnaître que nous avions raison et que la question est à l’ordre du jour », a-t-il déclaré. Selon lui, « l’engagement total et immédiatement mis en œuvre du G2O est essentiel pour réduire les risques spéculatifs dont tous les États sont victimes. » Se référant aux fonds d’investissement qui détiennent des bonds souverains achetés à prix « soldés » à des pays pauvres en difficulté généralement déjà étouffés par le FMI, et qui exigent le paiement total de leur valeur initiale et de leurs intérêts, il a dénoncé « le comportement abusif des fonds vautours qui vont à l’encontre de tous les principes et toutes les règles qui président à la dette souveraine et à la loi internationale, font pression sur différents tribunaux et obtiennent des résultats qui ne font que contribuer à encourager d’autres attaques spéculatives. » C’est une question qui doit préoccuper l’ensemble des pays, pas seulement l’Argentine, a-t-il insisté.