Plusieurs pays européens ont exprimé le souhait de reprendre les contacts avec les autorités syriennes dans le cadre de la lutte contre la menace terroriste et certains ont dépêché des émissaires à Damas. Mais pour la Syrie, toute collaboration sécuritaire doit s’accompagner d’une normalisation politique.
De sérieuses divergences commencent à apparaitre au sein de l’Union européenne entre les pays souhaitant rétablir les contacts au plus haut niveau avec les autorités syriennes et ceux qui, motivés par des considérations politiques et idéologiques, veulent continuer à ostraciser le président Bachar al-Assad. Cependant, la position de ces derniers est de plus en plus fragilisée depuis les attentats terroristes en France et au Danemark, les attaques déjouées en Belgique et dans d’autres pays, et la menace représentée par les milliers de ressortissants européens qui ont rejoint les rangs des groupes extrémistes.
De nombreux experts affirment que le nombre de ressortissants occidentaux combattants dans les rangs de l’organisation terroriste de «l’Etat islamique» (EI ou Daech) est devenu tellement élevé que les Etats concernés ne disposent plus des moyens nécessaires et suffisants pour la gestion de la menace qu’ils représentent.
5000 extrémistes occidentaux
Les derniers chiffrent fournis par les agences de renseignements américaines évaluent à 20000 le nombre de combattants étrangers en Syrie, dont 3000 Occidentaux. Mais ces chiffres sont bien en-deca de la réalité. Il y a quelques jours, le chef d’Europol, Rob Wainwright, cité par UEobserver, a estimé devant la Chambre britannique des Communes que 3500 à 5000 citoyens européens combattent dans les rangs de groupes extrémistes en Syrie, Irak et d’autres régions de crise. Les experts pensent que des dizaines d’Européens ont rejoint la branche de «Daech» en Libye et assurent que la plupart des bourreaux qui ont décapité les 21 Coptes à Syrte, le 15 février, seraient d’origine européenne, en raison de leur grande taille et du fait que le réalisateur de la vidéo s’est adressé à eux en anglais.
Les autorités françaises, qui ont tenté de minimiser pendant des mois la gravité du phénomène de la migration des terroristes, ne cessent de revoir à la hausse le nombre de Français combattant dans les rangs des groupes extrémistes. De quelques centaines, fin 2014, ce chiffre est passé, le 9 février, à 1400, selon le Premier ministre Manuel Valls. 80 d’entre eux ont été tués en Syrie.
Le phénomène de la migration concerne désormais l’ensemble des pays du Vieux Continent. Début février, la police de Bosnie-Herzégovine a arrêté six hommes soupçonnés de complicité avec «Daech», selon l’agence Associated Press. Deux des suspects ont été interpellés à l’aéroport de Sarajevo avant de se rendre en Syrie. Les autres ont été arrêtés pour soutien financier aux terroristes et recrutement de nouveaux candidats au départ.
Infiltration par le Kosovo?
Les polices européennes s’inquiètent de l’infiltration de dizaines de terroristes dans le flot d’immigrants clandestins, qui quittent en masse le Kosovo pour d’autres pays européens via à la Hongrie. 50000 Kosovars ont ainsi quitté cette province depuis le début de cette année. Il est à souligner que plusieurs dizaines d’habitants du Kosovo se battent dans les rangs de «Daech» et du «Front al-Nosra», la branche syrienne d’Al-Qaïda.
Un diplomate européen en poste à Beyrouth assure que le nombre réel d’Occidentaux combattants dans les rangs des groupes terroristes est au moins deux fois et demie supérieur au chiffre officiel.
Pour gérer un nombre aussi important de suspects, il faudrait des moyens que les polices et les services de sécurité européens ne possèdent pas. La tâche des agences de renseignements européennes est d’autant plus difficile qu’elles ne disposent pas d’yeux ou d’oreilles dans les zones contrôlées par les terroristes. «Nous ne savons pas ce qui se passe dans les régions de Daech, nous sommes complètement aveugles, précise ce diplomate. Dès que les suspects entrent en Syrie, nous ne savons plus rien d’eux. Nous apprenons la mort de certains d’entre eux dans les faire-part de décès postés sur les réseaux sociaux par les terroristes. Nous ne sommes mêmes pas sûrs qu’ils sont réellement morts».
Seul le gouvernement syrien possède des yeux, des oreilles et un long bras dans toutes les régions du pays, même celles qui sont sous le contrôle de «Daech». Les Européens le savent. Dans ce cadre, l’Agence de presse britannique Reuters a écrit, le 12 février, que plusieurs pays européens se prononcent en faveur d’une reprise du dialogue avec les autorités syriennes et du retour de leurs missions diplomatiques à Damas.
Paris et Londres contre leurs propres intérêts
Selon l’agence, parmi les pays ayant émis de tels appels ou étant prêts à les soutenir figurent l’Autriche, la Bulgarie, le Danemark, l’Espagne, la Roumanie, la Suède et la République tchèque, qui n’a pas rappelé ses diplomates de Syrie. La Norvège et la Suisse, qui ne font pas partie de l’Union européenne, partagent également cette position.
Cependant, le Royaume-Uni et la France restent hostiles à l’idée de renouer le dialogue avec le gouvernement de Damas, bien que leurs services de renseignements sont favorables à cette option. «L’attitude de Londres et de Paris est motivée par des considérations idéologiques, qui ne répondent pas aux intérêts supérieurs des deux pays», indique le diplomate européen.
Mais en dépit de sa position politique, la France a fait des appels du pied aux autorités syriennes pour qu’elles reçoivent des délégations sécuritaires françaises. La réponse du gouvernement syrien a été ferme: pas de coopération sécuritaire sans normalisation politique. Damas réclame notamment la réouverture des ambassades syriennes dans les pays européens et la reprise par les diplomates syriens de leurs activités normales.
En revanche, les délégations des pays qui sont favorables à une reprise des contacts avec le gouvernement sont les bienvenues à Damas.
Source: french.alahednews