Dans son rapport, le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, a davantage insisté sur les inconvénients engendrés par une intervention militaire que sur ses avantages.
Le rapport que le secrétaire général des Nations unies, Ban Ki-moon, a remis, mercredi 28 novembre, au Conseil de sécurité sur le Mali freine les ardeurs de ceux qui souhaitent une intervention militaire dans le nord du pays. Ban Ki-moon estime qu’une intervention militaire au Mali comporte beaucoup de risques et souhaite privilégier le dialogue politique, en particulier avec les Touaregs. Le président de l’Union africaine (UA) se dit déçu par ce rapport.
Dans son rapport, Ban Ki-moon a davantage insisté sur les inconvénients engendrés par une intervention militaire que sur ses avantages. Selon le texte, « la force militaire sera sans doute nécessaire à un moment donné, en dernier recours, pour débarrasser le nord du Mali d’al-Qaïda et de ses alliés ». Mais le secrétaire général des Nations unies pointe surtout le doigt sur le manque de précisions concernant les plans stratégiques qui lui ont été présentés par l’UA et la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cédéao).
Ban Ki-moon rappelle notamment les nombreuses questions encore en suspens, telles que « la manière dont la force sera dirigée, entretenue, entraînée, équipée et financée. » Le Conseil de sécurité de l’Onu doit se prononcer, dans moins de 15 jours, sur cette résolution. Les Nations unies s’impliqueront-elles dans la mise en place et le financement de cette force ?
Dans son rapport, le secrétaire général des Nations unies suggère que les pays membres y contribuent de manière volontaire. Il n’y aura pas de casques bleus. « L’Onu n’est pas la mieux placée pour répondre à la menace sécuritaire que créent des groupes terroristes », affirme Ban Ki-moon. En revanche, les Nations unies envisagent de renforcer leur présence à Bamako en dépêchant des experts des droits de l’homme et un grand nombre d’observateurs.
Au début du mois de novembre, les pays membres de la Cédéao et ensuite ceux de l’UA ont approuvé l’envoi, dans le nord du Mali, d’une force militaire africaine de 3 300 soldats, pour une durée d’un an, soutenue sur le plan logistique par des pays occidentaux. Le coût de ces opérations initiales de combat est estimé à près de 500 millions de dollars.
Une prudence qui freine le coup d’envoi d’une intervention militaire
L’option d’une intervention militaire au nord du Mali, contrôlé par des groupes jihadistes, reste ouverte mais elle prend du champ. Le camp des partisans d’une « solution politique » reprend la main.
Ces dernières semaines, les positions divergentes – et même contradictoires – de la communauté internationale se sont accentuées. D’un côté, il y a ceux qui sont en faveur d’une intervention militaire rapide, et de l’autre ceux qui affichent une plus grande prudence et qui sont même hostiles à un tel déploiement.
Ainsi, l’Algérie est contre toute présence militaire dans ce qu’elle considère comme sa zone d’influence. Alger n’a jamais ménagé ses efforts pour amener à la table des négociations le groupe Ansar Dine – bien qu’il soit allié, sur le terrain, à al-Qaïda au Maghreb islamique (Aqmi) – et le MNLA. Les autorités algériennes espèrent isoler Aqmi et surtout le Mouvement pour l’unicité et le jihad en Afrique de l’Ouest (Mujao) qui détient trois otages algériens.
Une position qui se rapproche du point de vue de la médiation burkinabè qui a entre-temps évolué. En effet, Ougadougou qui privilégie dorénavant le dialogue, abrite les rebelles du MNLA et d’Ansar Dine et les incite à négocier. Un dialogue qui semble toutefois impossible si l’on en croit les derniers événements dans la ville de Léré où des éléments du groupe Ansar Dine viennent de déloger le MNLA.
La position de l’Algérie, soutenue par le Burkina Faso, s’est trouvée également confortée par l’évolution, sur ce dossier, de la Mauritanie. Le président mauritanien Mohamed Ould Abdel Aziz a lui aussi assuré récemment que son pays n’était « pas prêt à s’engager dans une guerre ».
Ensuite, les Etats-Unis qui jouent, eux aussi, la prudence. Ils s’interrogent sur la capacité des armées africaines à mener une opération contre Aqmi et ont fait comprendre qu’ils ne s’engageraient pas à la légère.
Lors de la conférence sur le Sahel, le 27 septembre, la secrétaire d’Etat, Hillary Clinton, avait estimé que « seul un gouvernement démocratiquement élu aura la légitimité pour parvenir à une résolution négociée au nord du Mali, mettre un terme à la rébellion et restaurer l’Etat de droit ». Pour l’instant, le Mali vit toujours avec des institutions de transition depuis le départ, en avril, de la junte militaire, auteur d’un coup d’Etat quelques semaines auparavant.
De son côté, l’envoyé spécial de l’Onu pour le Sahel, Romano Prodi, la semaine dernière, citant des délais nécessaires à la mobilisation des troupes, à la formation de l’armée malienne et à l’obtention des fonds nécessaires, avait exclu toute action avant septembre 2013.
Laissera-t-on le Mali s’enliser dans la crise ?
Cette prudence contraste avec le volontarisme militaire de plusieurs membres du Conseil de sécurité dont la France. A Paris, le rapport de Ban Ki-moon a jeté un froid. Les pays membres du Conseil doivent se prononcer le 10 décembre sur cette intervention et la France espérait y voir figurer la feuille de route détaillée de l’opération militaire. Mais cette perspective semble s’éloigner.
Pourtant, souligne un diplomate français joint par RFI, à moins de laisser le Mali s’enliser dans la crise, il n’existe pas d’alternative à une intervention militaire au nord du Mali. E il argumente : la perspective d’une intervention armée a poussé Ansar Dine et le MNLA au dialogue. Si l’épée de Damoclès ne plane plus sur la tête des groupes armés, ce dialogue, réclamé en priorité par Ban Ki-moon, risque de n’être qu’un vœu pieux.
Déception, cette fois-ci, du côté de l’Union africaine. Le président de l’organisation, Thomas Boni Yayi a estimé, ce jeudi 29 novembre, que le rapport de Ban Ki-moon est décevant. « Tout recul devant la nécessité d’envoyer en urgence la force internationale pour combattre le terrorisme au nord du Mali sera interprété comme l’expression d’une faiblesse » face aux terroristes, a déclaré Boni Yayi, le président béninois, dans une lettre adressée au secrétaire général de l’Onu.