Le Niger est aujourd’hui particulièrement exposé à la menace djihadiste, et la France, son partenaire traditionnel, en butte à ses propres difficultés, n’est plus en mesure de l’aider efficacement à se sortir de la pauvreté, qui alimente la violence.
Le Niger vit une époque troublée. Pris au centre d’une menace djihadiste qui revêt trois formes aussi inquiétantes les unes que les autres, à savoir Al-Qaeda au Maghreb islamique à l’ouest, l’État islamique à l’œuvre en Libye au nord et Boko Haram, le mouvement nigérian au sud, le pays n’a d’autre choix que de renforcer son armée, une décision pas si simple à prendre et à mettre en œuvre car elle nécessite du temps et de l’argent. En attendant, le président nigérien Mahamadou Issoufou, en visite officielle en France entre le 13 et le 16 juin, a demandé le renforcement de l’opération « Barkhane », un déploiement de soldats français à vocation anti-terroriste actuellement positionné au cœur du Sahel.
Mais Barkhane ne sera pas la solution à tous les problèmes du Niger. En effet, sur la scène intérieure, le pays connaît actuellement une montée inédite de l’islam radical. On en a déjà vu la triste représentation, en janvier 2015, lorsque la ville de Zinder s’est enflammée à la suite de la publication, en France, d’une caricature du prophète Mohammed en Une du magazine Charlie Hebdo, lequel venait de connaître une terrible tragédie avec l’assassinat, en pleine rédaction, de ses journalistes et illustrateurs. Comment comprendre que 4 000 kilomètres au sud de Paris, une ville dont la presque totalité de la population n’a jamais eu en main le moindre numéro de Charlie Hebdo, et dont bien peu ont pu le consulter via internet, ait pu payer de 4 morts et 45 blessés une décision éditoriale qui ne les concernait en rien.
Selon l’Institut Thomas More, think tank d’opinion basé à Paris et Bruxelles, « la montée des acteurs religieux radicaux répond à un vide laissé par l’État ». Et l’on pourrait compléter en disant que ce vide concerne essentiellement l’éducation, et peut-être même l’enseignement religieux. En effet, la majeure partie des imams est aujourd’hui formée dans des madrasas d’inspiration wahhabite, les seules à avoir des moyens financiers attractifs. Ces derniers, à l’œuvre depuis une dizaine d’années, contribuent à un rejet global du modèle occidental en matière de mœurs comme d’éducation et contribuent à refermer la société nigérienne sur elle-même. Comme aucun d’eux n’est en mesure de proposer un modèle de développement susceptible de vaincre la pauvreté et le sous-emploi, ils contribuent à l’enlisement du pays dans le cercle vicieux de la violence.