Où en sont l’enseignement supérieur et la recherche scientifique ?
Cinquante après l’Indépendance, le secteur de l’Enseignement supérieur et de la recherche scientifique a connu une avancée remarquable et franchi des étapes importantes dans le développement humain et matériel. D’une seule et unique université à Alger, avec ses deux annexes à Oran et Constantine à la rentrée de 1962-1963, nous sommes passés à 53 établissements en 1999 et à 103 lors de la rentrée 2013-2014. Aujourd’hui, nous disposons d’un réseau d’établissements composé de 48 universités, dont une dédiée à la formation continue, 19 écoles nationales supérieures, 5 écoles normales supérieures, 10 écoles préparatoires, 10 centres universitaires. Citons également l’existence de 11 facultés des sciences médicales réparties à travers le territoire national, à côté de plus d’une vingtaine de centres de recherche.
Ce réseau est interconnecté et compte 1 300 laboratoires de recherche universitaires. Ce qui a permis d’opérer une réforme « profonde » du système de l’Enseignement supérieur en adoptant une nouvelle organisation du cursus universitaire, à savoir le système licence-master-doctorat (LMD). Chaque parcours LMD, faut-il le rappeler, doit être adossé à un laboratoire de recherche.
De même, le nombre des étudiants en graduation est passé de moins de 3 000 au cours de la première année d’indépendance (1962-1963) à près 1,3 million aujourd’hui (rentrée 2013-2014). L’effectif total des étudiants actuel représente le triple de celui de l’année universitaire 1998-1999. La post-graduation a suivi cette évolution rapide, puisque le nombre d’inscrits est passé de 156 étudiants pour la rentrée 1963-1964 à plus de 60 000 lors de cette rentrée. Il faut souligner aussi que l’effectif total actuel des étudiants en post-graduation est supérieur au triple de celui de l’année universitaire 1998-1999.
Le nombre de diplômés, qui était de 93 seulement à la fin de l’année 1962-1963, est passé à plus de 260 000 à la fin de l’année 2012-2013. Depuis l’indépendance à aujourd’hui, le nombre de diplômés a dépassé les 2 millions.
Je ne m’attarderais pas beaucoup sur le nombre de boursiers universitaires dont le taux a atteint les 80 % ni sur le nombre de bénéficiaires de l’hébergement universitaire, qui sont 40 % des étudiants.
S’agissant de l’encadrement pédagogique, l’effectif de l’université dépasse aujourd’hui les 40 000 enseignants, alors qu’il se limitait à 296 enseignants au cours de l’année 1962-1963. La bataille menée depuis plus de cinquante ans pour doter le pays des outils d’acquisition du savoir et de la connaissance a donc été remportée avec succès.
Quelles sont vos ambitions pour les deux domaines dont vous avez la charge ?
Notre objectif est de hisser la formation universitaire en Algérie au niveau des standards internationaux. Les pouvoirs publics ont placé l’université au rang de priorité, en la dotant de moyens colossaux afin d’obtenir le meilleur rendement possible. Aujourd’hui que les infrastructures et les autres moyens matériels et humains sont en place, il y a lieu d’améliorer la qualité de l’enseignement dispensé et de l’adapter aux évolutions universelles, en agissant sur plusieurs points : les programmes, les méthodes pédagogiques, la gestion et la gouvernance des universités, la formation et le recyclage des enseignants. Car, à l’université, l’enseignant doit être au centre de tout projet de développement.
L’enseignement supérieur se faisant par la recherche scientifique, nous donnons aussi à cette dernière toutes les chances de se développer dans les établissements universitaires. Il s’agira de mener l’effort vers une meilleure rentabilité du système national de recherche scientifique et de développement technologique, à travers l’application rigoureuse du plan quinquennal en cours.
Par ailleurs, la mondialisation impose une concurrence énorme sur le plan économique et aucun développement ne peut être assuré sans l’apport conséquent de l’université. Aussi l’université algérienne doit-elle avoir l’ambition de relever le défi de la qualité de l’enseignement et de préparer les jeunes universitaires à affronter l’avenir sans complexe, face à la concurrence imposée à l’échelle mondiale.
Qu’envisagez-vous pour les filières d’excellence et des grandes écoles ?
La réforme du système d’enseignement supérieur, qui visait à mettre en place une nouvelle architecture des diplômes, le LMD, est en voie d’achèvement. La stratégie de poursuite de cette réforme doit non seulement corriger les dysfonctionnements pour améliorer les enseignements à tous les niveaux et pour toutes les filières, mais aussi viser à mener le système d’enseignement supérieur vers l’excellence. Cette stratégie encouragera la valorisation et la promotion des filières universitaires à recrutement national qui réunissent les critères et conditions d’éligibilité à l’excellence. Elle encouragera aussi la mise en place du système des écoles préparatoires et écoles nationales, la consolidation des écoles actuelles et la création de nouvelles écoles.
Les universités et les centres universitaires sont appelés à développer eux-mêmes leurs domaines de compétence respectifs, à recrutement national et ouverts à tous les étudiants quelles que soient leur origine sociale ou leur provenance géographique.
Prévoyez-vous de développer la coopération avec la communauté scientifique et académique internationale ?
La coopération scientifique et académique internationale est un volet important dans la politique du secteur de l’enseignement supérieur et de la recherche scientifique. L’ouverture sur le monde et sur l’universalité est nécessaire. Nous avons établi des programmes de coopération avec des partenaires étrangers, notamment à travers des accords institutionnels bilatéraux et des actions de coopération. À l’heure actuelle, des conventions de partenariat lient l’Algérie à plusieurs pays, entre autres la France, l’Afrique du Sud, l’Arabie Saoudite, la Finlande, l’Italie, l’Allemagne… Il existe également des partenariats avec différentes institutions internationales, comme la Commission européenne.
Je citerais aussi l’exemple du partenariat dans le cadre du 5+5 en cours de consolidation, et qui constitue un espace intégré de recherche et d’innovation basé sur la mise en place de passerelles technologiques entre les deux rives.
Qu’en est-il de la coopération avec les pays africains et arabes ?
L’université algérienne entretient de bonnes relations de coopération avec les pays africains et arabes au niveau de la formation et de la coopération interuniversitaires. Dans le cadre de l’échange, des bourses d’études sont octroyées à des étudiants de pays africains et arabes. Plus de 10 000 étudiants africains et arabes suivent une formation dans nos universités.
Dans le domaine de la recherche scientifique, de nombreuses actions sont initiées avec les pays du Maghreb. Il existe, également, une coopération scientifique et technologique entre l’Algérie et l’Afrique du Sud, depuis l’accord signé en avril 1998. Cette coopération ne cesse d’évoluer grâce aux actions menées afin d’élargir les échanges à divers domaines liés aux sciences et technologies, notamment dans le spatial, le laser, les nanotechnologies, les sciences des matériaux, les sciences médicales…
Avec les pays arabes, 231 conventions lient les universités algériennes aux universités arabes. Elles portent essentiellement sur la mobilité et l’échange de conférenciers.
L’Algérie est-elle toujours un pôle d’attraction pour les chercheurs étrangers ?
Oui, elle demeure un pôle attractif, en particulier grâce aux accords de coopération qui prévoient des projets à réaliser en Algérie. On peut par exemple citer le projet « tour solaire », qui a été initié en collaboration avec des institutions allemandes dans le cadre du développement des énergies renouvelables, ou le projet avec la Finlande dans le domaine de l’énergie et le développement durable, etc.
Des dizaines de compétences scientifiques algériennes se trouvent à l’étranger. Que comptez-vous faire pour en profiter ?
La contribution des chercheurs algériens établis à l’étranger au transfert du savoir et à la transmission des connaissances en Algérie est souhaitée et nécessaire. D’ailleurs, cette communauté est tout à fait disposée à contribuer au développement scientifique du pays. De nombreux chercheurs algériens à l’étranger sont aujourd’hui impliqués dans la définition des contenus des programmes nationaux de recherche (PNR), dans les réseaux thématiques et dans les équipes de recherche à travers les différents laboratoires. De plus, les associations de compétences algériennes à l’étranger participent à plusieurs projets de mise en œuvre des programmes des centres de recherche et des activités de formation dans les universités. Nous comptons développer encore plus ces échanges en définissant des mécanismes qui facilitent la mobilité de ces scientifiques et leurs interventions en Algérie. Comme, par exemple, l’organisation de leur relation avec leurs pairs se trouvant en Algérie.
Votre appréciation sur le Salon de l’innovation qui s’est tenu fin septembre dernier à l’université des sciences et de la technologie Houari-Boumediene (USTHB) ?
Ce salon a été une occasion propice pour mesurer les progrès réalisés par nos chercheurs au niveau des universités et des centres de recherche. Il se présente aussi comme un mécanisme important de communication et de construction, à la fois de confiance, de liens et de projets potentiels entre le monde académique et de la recherche d’une part, et celui de l’économie d’autre part. Il faut dire que la promotion de l’innovation et de la production scientifique, la valorisation des résultats de la recherche et leur vulgarisation occupent une place de choix dans la politique nationale de recherche scientifique et de développement technologique. Elles constituent l’essence même de l’action du gouvernement qui vise un développement socio-économique harmonieux du pays.
Notre démarche se poursuivra dans le cadre du futur plan de développement du secteur de la recherche, notamment, en termes de renforcement de structures de valorisation mais aussi de mécanismes pragmatiques de transfert des résultats vers les secteurs utilisateurs. Il appartient à nos jeunes chercheurs de prendre en charge les préoccupations liées à une plus grande maîtrise des questions en rapport avec l’environnement, la généralisation des techniques de l’information et de la communication, etc.
Dans le domaine de l’innovation, la coopération et l’expérience d’autres pays sont vitales. Il s’agira donc de développer les échanges d’expérience et les espaces de coopération, qui devront se faire selon les intérêts de la recherche scientifique, mais aussi selon les intérêts des pays.