Dans le bassin du Congo, la plupart des pratiques initiatiques, qui accompagnaient notamment le passage à l’âge adulte, ont aujourd’hui disparu. La nouvelle exposition organisée par le musée Dapper, à Paris, et son catalogue* s’y consacrent, nous offrant l’opportunité de mieux comprendre ces rites qui furent à l’origine d’une puissante créativité : masques, statues, costumes, parures, instruments de musique ou objets protecteurs utilisés et mis en scène pendant les cérémonies. Des œuvres rares, qui proviennent pour l’essentiel du musée royal de l’Afrique centrale de Tervuren (Belgique), du musée Dapper, mais aussi de collections publiques et privées européennes.
Pour faire simple, les spécialistes distinguent deux grandes catégories d’initiation. Le premier type rassemble des individus d’une même classe d’âge et de même sexe. Il concerne le passage de l’enfance à l’âge adulte, étape fondamentale de la vie, considérée comme une « seconde naissance ». Ce changement d’identité est symbolisé par des rites initiatiques dans la plupart des sociétés dites « primitives », mais avec des durées très variables : quelques jours à quelques semaines dans les tribus du Congo ou bien plusieurs années dans certaines tribus indiennes.
L’enfant, qui apprend comment être adulte, doit connaître et accepter les normes de son groupe. On lui permet de tester son autonomie sans remettre en cause l’ordre culturel et social. Concernant aussi bien les garçons que les filles, « ce franchissement se faisait au prix d’épreuves, de privations et d’humiliations. Il n’était pas question d’accéder au statut enviable et respecté d’initié sans savoir souffert : les corps et les esprits étaient marqués à jamais », rappelle Christiane Falgayrettes-Leveau, directrice du musée Dapper. Les mutilations sexuelles, quand elles sont pratiquées (excisions féminines ou circoncision), sont la marque de la renaissance de l’individu et la promesse d’un foyer fécond.
La souffrance physique et l’exclusion temporaire du groupe sont aussi de mise dans le second type d’initiations. Réservées aux adultes, celles-ci se pratiquent au sein de sociétés secrètes ou de confréries. Elles s’adressent à des individus poursuivant les mêmes aspirations pour leur permettre d’approfondir leurs connaissances, de parfaire des qualités d’ordre professionnel ou religieux. Les enjeux de pouvoir et d’autorité y sont très forts. Les initiés (thérapeutes, devins, chefs…) bénéficient d’un statut particulier au sein du groupe, ils jouissent de privilèges et sont les seuls à porter certains signes distinctifs (bijou, disque labial, masque, coiffe…) dont la portée symbolique n’est comprise que par eux.
Spectaculaires, à l’image de ces masques yaka (République démocratique du Congo – RDC), ou tout simplement magnifiques, comme ce masque en bois pende (RDC) et cette chaise chokwe (Angola), tous ces objets témoignent de la réalité de rites pratiqués pour changer de statut et trouver une place dans la société. Avec intensité.
* « Initiés. Bassin du Congo », musée Dapper (Paris), exposition jusqu’au 6 juillet 2014 et catalogue, Éditions Dapper, 272 p., 30 euros.