Dans le monde occidental, la trahison, l’ingratitude et la lâcheté ont été banalisées depuis longtemps. Trois faits, intervenus ces derniers jours de façon pratiquement concomitante, et à des milliers de kilomètres d’intervalle, soulignent à quel point, ces trois « valeurs » sont désormais largement ancrées, et vécues de façon fort décomplexée par les Occidentaux.
Commençons par l’Afghanistan, véritable banc d’essai de toutes les déloyautés de l’Occident. Lorsque l’Union soviétique envahit le pays en 1979 et l’occupe dix années durant, l’administration Reagan investit pas moins de 3,5 milliards de dollars dans la guerre en soutenant des groupes intégristes radicaux. Objectif : utiliser l’islam radical pour unir les musulmans contre les Soviétiques. Après leur retrait de en 1989, les États-Unis ont cessé, officiellement, de fournir des armes, mais n’ont pas rompu les liens avec les moudjahidine afghans. Au cours des 1990, ils ont officieusement continué à soutenir les groupes radicaux afghans, via le Pakistan allié, favorisant l’avènement de la marionnette Gulbuddin Hekmatyar, dirigeant d’un groupe intégriste radical. Puis, vu l’incapacité de Heymatyar à accomplir le travail de valet de l’impérialisme yankee et de son succédané pakistanais, ses protecteurs trouvèrent une autre alternative : les talibans.
En appuyant les talibans, l’administration américaine entendait créer un front anti-iranien et anti-chiite pour contrer l’influence de l’Iran dans la région. Les États-Unis, après avoir largement contribué à la destruction de l’Afghanistan, se dérobaient à toute aide sérieuse à la reconstruction du pays. L’intérêt de Washington étant ailleurs, en Irak, les talibans eurent tout le loisir d’appliquer leur vision extrémiste de la religion et de la société. Ben Laden y élit domicile et y bâtit son réseau Al-Qaïda, considéré comme l’auteur des attentats anti-américains du 11-Septembre.
Les États-Unis firent à nouveau pleuvoir des bombes sur l’Afghanistan, cette fois contre ses propres créatures, Ben Laden, et le régime taliban. Après près douze années de présence militaire américaine et alliée, et alors que Washington a largement contribué à imposer Hamid Karzaï comme président, voici que l’infortuné dirigeant, qui ne régnait du reste que sur Kaboul, doit faire, à son tour, l’expérience amère de la trahison de la Maison-Blanche, qui vient de le poignarder dans le dos.
Comme toujours depuis la fin du siècle dernier, le Qatar n’est pas bien loin. Les talibans ont ouvert à Doha une agence de « l’Émirat islamique d’Afghanistan » (telle est l’appellation officielle de l’État taliban). Deux jours plus tard, par le biais d’indiscrétions savamment ébruitées, on apprenait que James Dobbins, chargé au Département d’État de suivre le dossier Afghanistan-Pakistan, s’apprêtait à entamer des négociations directes avec ce bureau, soudain élevé au rang d’ambassade, marginalisant ainsi le gouvernement que les États-Unis avaient mis en place et reconnaissaient jusqu’alors comme seul représentant de son pays.
Il y a un autre peuple qui fait les frais, à l’heure actuelle, de sa confiance aveugle en l’Occident, représenté cette fois par la France : le Mali. Les Maliens ont applaudi l’intervention militaire française, convaincus que l’Élysée ne leur voulait que du bien et volait à leur secours pour débarrasser le pays des groupes terroristes au nord. Aqmi, du Mujao et consorts ont bien été contraints de quitter le Nord malien – même s’ils ne sont pas allés bien loin, ayant trouvé refuge dans le nouveau sanctuaire terroriste que constitue la Libye post-Kadhafi. Mais les Maliens ont appris, à leurs dépens, que faire confiance à l’Occident, c’est comme creuser sa propre tombe.
Les Français ont tout fait pour créer une enclave au sein du Mali, à Kidal, fief des rebelles touaregs du MNLA. Sous prétexte que les soldats maliens pourraient y commettre des actes de représailles contre les Touaregs, l’armée régulière au secours de laquelle l’opération Serval était censée venir a été interdite d’accès à Kidal. Il a fallu négocier, et présenter le MNLA comme un mouvement tout à fait légitime, alors même que ses chefs étaient sous le coup de mandats d’arrêt de Bamako pour exactions diverses et trahison de la patrie ! Un accord a été imposé fin juin au gouvernement, sommé d’accepter cette félonie pour espérer survivre. Un vrai drame, quand on sait que les Touaregs promus au rang d’alter ego du gouvernement sont plutôt minoritaires dans cette région. Et que le MNLA lui-même ne représente qu’une partie des mouvements touaregs.
Le summum de la traîtrise et de la lâcheté du monde occidental a été atteint en Libye : après avoir, selon des sources libyennes, reçu l’argent de Kadhafi, la France l’a livré, avec le soutien de l’Otan, à ses assassins. Là aussi, alors que le soutien présumé du monde occidental à la Libye « libérée » aurait dû se manifester en termes de reconstruction, les « libérateurs » s’en sont allés tranquillement, laissant le pays aux mains d’islamistes obscurantistes et de miliciens tribaux. Et pendant que ces moudjahidine enturbannés s’entre-tuent, les multinationales occidentales pompent tranquillement le pétrole libyen.
Pour tous ces faits glorieux, la France a été récompensée par le prix pour la paix Houphouët-Boigny de l’Unesco, décerné à son actuel président, François Hollande. Une dérision, certainement.