Elle est écrivaine, comme d’autres sont voyageurs. Ce qui l’intéresse tient aux mouvements du temps. Dans un sens ou dans un autre, d’écouter le courant filer dans la forêt. Entre les jours d’avant et les paysages d’aujourd’hui, Jane remonte ses histoires. Pirogues de mots sur le grand fleuve. Moderne et nostalgique à la fois. Ce premier recueil de poésie voyage d’une berge à l’autre, vient à la ville, retourne au village, écoute les anciens parler et le policier aussi, en quête d’un billet. Sourire. Mais pourquoi la poésie ? « Parce que j’en ai toujours écrit. J’aimais Hugo, La Fontaine. Un peu moins Rimbaud ou Verlaine… » Des sentiments trop sombres, trop complexes, qui la mettent mal à l’aise. « Quand je rencontre des auteurs, soit je les aime, soit je n’apprécie pas le sentiment qu’ils génèrent, et je ne vais pas plus loin… » C’est ailleurs qu’elle navigue. Ailleurs que son fleuve l’emmène.
Nostalgique ? Non, juste attentive, à ce qui vient, à ce qui part. « J’ai cette chance d’avoir encore ma grand-mère, qui vient souvent d’Oyem, et nous raconte […]. C’est une chance de connaître plusieurs strates, entre notre culture première et la modernité. » Souvenirs de cette maison d’enfance, loin dans la forêt, de l’eau froide au petit matin, du champ et du manioc à préparer. De cette vie, un jour peut-être, elle fera un roman. Le regard des personnes âgées. « Je voudrais parler de ça. Ce qu’ils voient et ce qu’ils ont vécu. Parfois, je me demande comment je serai à leur place… Comment je regarderai le ciel ? Par où s’échappe le temps qui fuit ? » Les jours d’ici, les jours d’avant.
En attendant, elle continue de prendre le taxibus. D’écouter les commentaires, les fausses disputes, les vrais ressentiments… Le policier, la femme qui rentre du marché, l’écolière amoureuse, la vieille femme qui a du mal à monter. Comme elle l’écrit : « Je suis parfois un souvenir / Parfois présente. / Très certainement dans le futur, absente / Aimée ou aimante. »