Le Venezuela d’Hugo Chavez est l’un des moteurs de la coopération entre l’Afrique et l’Amérique latine. Il est à l’origine des sommets Afrique-Amérique du Sud (ASA) qui ont réuni des représentants des deux continents : le 1er en 2006 au Nigeria, qui fut un coup d’essai, le 2e en 2009 au Venezuela, qui vit la participation de soixante et un pays. Le 3e sommet, qui devait se tenir en Libye en 2011, fut repoussé à 2013 pour cause de guerre civile. Il s’est tenu à Malabo, la capitale de Guinée Équatoriale, en février dernier. Hugo Chavez, frappé par la maladie qui devait l’emporter, en était absent, mais il s’est adressé aux participants via une lettre lue à la tribune par le ministre vénézuélien des Affaires étrangères Elias Jaua Milano (voir p.xx).
En 2009, la déclaration finale signée par les représentants des soixante et un pays réunis sur l’île de Margarita avait été fortement marquée par les leaders vénézuélien Hugo Chavez et brésilien Lula da Silva. Que ce soit dans le soutien aux réformes du Conseil de sécurité de l’Onu en faveur d’une plus grande participation des pays en développement d’Amérique du Sud et d’Afrique, ou dans la volonté de « résoudre de manière pacifique tout problème ou différend qui pourrait mettre en danger la sécurité régionale ou mondiale ». Les participants réaffirmaient leur engagement à redoubler d’efforts « pour éradiquer la pauvreté et la faim dans le contexte des Objectifs du Millénaire pour le développement », en présence de Jacques Diouf, le directeur de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Des questions de coopération Sud-Sud étaient également abordées dans les domaines de l’alimentation et de l’agriculture notamment.
Moins virtuel et plus pragmatique et concret, Hugo Chavez a insisté sur le potentiel des deux régions en matière de réserves pétrolières, soit un quart des réserves mondiales. Passant à l’action, il signait avec la Guinée Équatoriale – qui produit 400 000 barils par jour mais n’a pas de raffinerie –, le Niger et d’autres partenaires africains, des accords pour étudier la construction d’une raffinerie en Afrique de l’Ouest. C’est aussi en marge de ce sommet que l’Argentine, la Bolivie, le Brésil, l’Équateur, le Paraguay, l’Uruguay et le Venezuela ont signé le document fondateur de la Banque du Sud, sur l’impulsion du président vénézuélien qui suggérait que cette banque destinée à financer des projets de lutte contre la pauvreté et de développement accueille les réserves étrangères des pays d’Amérique du Sud. « Les garder dans les banques du Nord qui nous font des prêts en les utilisant, c’est simplement stupide » avait-il déclaré. Chavez avait également proposé que la Banque du Sud s’allie avec une institution similaire en Afrique afin de créer une grande banque « Sud-Sud » destinée à financer des programmes de développement.
Le 3e sommet ASA à Malabo, en février 2013, a confirmé le sérieux de la volonté des deux continents à aller de l’avant. Placé sous le thème « Stratégies et mécanismes de renforcement de la coopération Sud-Sud », le sommet, qui compte désormais 66 membres, dont 54 pays d’Afrique et 12 d’Amérique du Sud, a enregistré une progression de 75 % des échanges économiques entre les deux continents depuis sa création, soit 39,4 milliards de dollars américains en 2011 (contre 7 milliards en 2002), selon les chiffres présentés par la présidente du Brésil, Dilma Rousseff. « Il est fini le temps où nous marchions dans une banlieue distante, silencieuse et problématique. Le monde en développement est devenu vital pour l’économie globale et compte pour plus de la moitié de la croissance économique et 40 % des investissements », a déclaré Dilma Rousseff.
Bien sûr les questions de réformes du Conseil de sécurité de l’Onu (que le président bolivien Evo Morales qualifie de « Conseil d’insécurité »), de système de financement, de coopération dans les domaines de l’éducation, l’agriculture et la santé sont toujours au cœur des préoccupations de l’ASA, à l’état de discussion en grande partie. Mais il est clair que, conformément à l’idéal d’Hugo Chavez, la jeune organisation peut à terme « donner vie à l’équation qui devra s’appliquer dans la construction des conditions qui permettront de faire sortir [nos] peuples du labyrinthe dans lequel le colonialisme les a jetés et, par la suite, le capitalisme néolibéral du xxe siècle ».