Josette Audin, veuve du militant anticolonialiste français Maurice Audin, a enfin reçu du ministre de la Défense français, Jean-Yves Le Drian, les archives classées qu’elle réclamait en vain depuis des décennies sur les circonstances tragiques de la disparition de son mari à Alger en 1957. L’État français a ainsi tenu la promesse que, « dans un souci de transparence », le président François Hollande lui avait faite quelques heures avant sa visite officielle en Algérie, en décembre 2012.
« Je souhaite que la vérité soit faite, que l’on puisse trouver des réponses dans ces archives et que les circonstances de la mort de mon mari soient reconnues et condamnées », a sobrement commenté Josette Audin, 81 ans, en recevant les documents déclassifiés qu’elle se propose de faire examiner par des historiens.
Depuis la disparition de Maurice Audin, dont la mort ne lui a jamais été officiellement signifiée, elle se qualifie elle-même de « veuve non reconnue ». Mathématicien communiste, militant de la cause nationale algérienne, Maurice Audin a disparu à Alger en 1957 après avoir été arrêté par des militaires français sous l’état d’urgence. Conduit dans un des centres de torture de l’armée française d’Algérie, il n’est jamais réapparu. Son camarade de parti Henri Alleg a été le dernier à l’avoir croisé entre deux séances de torture. Selon la version officielle servie à sa veuve une dizaine de jours après son arrestation en présence de ses trois enfants en bas âge, Maurice Audin se serait tué en tentant de s’évader lors de son transfert pour un de ces terribles interrogatoires de nuit dont peu de suppliciés sont revenus intacts.
Depuis, Josette Audin réclamait en vain d’accéder aux archives sur les circonstances de l’arrestation de son mari et ses suites. En 2012, elle adressait à Nicolas Sarkozy un courrier dans lequel elle réclamait que « les historiens puissent avoir accès à toutes les archives de toutes les personnalités civiles et militaires françaises en charge du maintien de l’ordre en Algérie ». Il ne lui a jamais répondu. Indignée, Michèle Audin, fille de Maurice Audin et mathématicienne comme son père, a refusé la Légion d’honneur que Sarkozy voulait lui décerner pour ses recherches, estimant que la décoration était « incompatible » avec le refus méprisant du chef de l’État de répondre à sa mère.
Le souvenir de Maurice Audin, une des figures emblématiques des Français de métropole qui s’étaient engagés au service de l’indépendance algérienne jusqu’au sacrifice suprême parfois, est entretenu par la plaque trônant au milieu de la place qui porte son nom au centre d’Alger depuis l’indépendance, il y a cinquante ans. Son portrait peint sur une céramique est encadré de deux cartouches en arabe et en français donnant un bref aperçu de son parcours de militant et d’homme de science. Lors de sa visite en Algérie, François Hollande a tenu à se rendre place Audin afin de s’y incliner en mémoire du disparu.