C’est de culture, de connaissances et d’échanges qu’il est question, dans cet ouvrage au long titre équivoque*. L’essayiste et éditeur Farouk Mardam-Bey précise dans le prologue que son objet est de contribuer à « abolir la frontière » entre l’Orient et l’Occident et de remettre en perspective « l’unité du monde méditerranéen ». Vaste programme. Beau voyage. Le livre, publié à l’occasion de l’exposition du même nom organisée à Avignon, en France (jusqu’en avril 2013), propose ainsi de faire dialoguer des artistes occidentaux « fascinés » par l’Orient et des artistes orientaux « fascinés » par l’Occident. Un premier hommage est rendu aux grands voyageurs, tels l’excentrique Pierre Loti, la fascinante Isabelle Eberhardt ou encore l’infatigable coureur de désert que fut le scientifique Théodore Monod.
Au fil des pages, le lecteur découvre les photographies noir et blanc, les lettres et les récits, les carnets d’aquarelles (de Miquel Barceló notamment) rapportés par des témoins exceptionnels. Une longue halte est proposée à Tanger, ville célébrée par les plus grands peintres : Eugène Delacroix, Henri Matisse ou encore Francis Bacon. À l’occasion, on relit quelques pages des romans de Paul Bowles et l’on s’arrête devant les clichés de Robert Rauschenberg (plus connu comme précurseur du pop art). Puis on reprend la route pour suivre les tribulations en Orient de trois Provençaux (France) : l’architecte Pascal Coste et les peintres Jules Laurens et Joseph Eysséric. S’ensuit une pause bien méritée dans la douce chaleur du bain turc.
Enfin, retour à l’actualité et à des œuvres plus engagées. La parole est donnée aux artistes et écrivains « orientaux » : d’Amin Maalouf à Walid Raad – dont les photographies de la guerre du Liban font écho à un autre conflit, la révolte qui se déroule sous nos yeux en Syrie – en passant par le peintre chinois Yan Pei-Ming, auteur de gigantesques et sinistres portraits de Mouammar Kadhafi et du couple Al-Assad. Tout aussi impossible d’ignorer la réalité brossée par les militantes féministes Mona Hatoum (Palestine) et Shirin Neshat (Iran), ou les évocations de la désormais fameuse place Tahrir, au Caire, et du « printemps arabe »… Artistes d’Orient et d’Occident, d’hier et d’aujourd’hui, offrent un riche dialogue par œuvres interposées. Le livre se referme, laissant son lecteur presque optimiste.