Deux ans à peine de podiums africains et chinois, mais une trajectoire qui brûle le papier glacé. Dorine Mboumba n’entre pas dans les clichés, trop étroits, trop convenus. Démarche de reine et mots d’ébène. Africaine jusqu’au bout du lipstick, les pieds sur terre et son quotidien pour couronne. « Je veux maîtriser ce que je fais. Nous sommes en Afrique et le métier de mannequin n’est pas considéré du tout. Pour ma famille, c’était un travail… équivoque. » Rien à voir avec l’idée qu’elle a de la mode. Demain, elle repart pour la Chine. Shanghai et Beijing. Podiums de feu, timing de fou, « mais de vrais professionnels. Ils ont un sens aigu de la perfection et ne pardonnent pas l’erreur ». C’est là-bas qu’elle a commencé. Le hasard d’un casting au Togo, où elle poursuivait ses études en ressources humaines. Un mètre soixante-seize, la taille irréprochable et un anglais universitaire lui font passer le barrage. Deux mois plus tard, elle foule le tarmac de Shanghai.
Une autre planète. « Nos agences africaines n’ont rien à voir. Chez nous, le mannequin se contente de porter le vêtement. Une sorte de cintre… sur pied. Pour moi, c’est très dévalorisant. On reste des objets. Certaines filles s’en contentent. Le métier est aussi l’occasion de rencontres, de petits arrangements. » Le contraire de la Chine, où le travail est l’axe fondamental. « On a donc eu trois mois pour prendre nos repères, et ensuite les défilés ont commencé. Six jours sur sept, à raison de quatre à cinq présentations quotidiennes. Épuisant, oui, mais passionnant ! » Total dévouement au vêtement, aux mouvements qu’il suggère, à cette fluidité que le corps lui transmet. De la couture et de la danse aussi.
On ne revient jamais à l’identique d’un tel voyage. Mais on n’en garde pas moins ses repères. Dorine reprend ses études à l’université, un master au-delà des projecteurs… et puis cette envie désormais de se produire elle-même. Maîtriser son press-book, ses prises de vues, et ne pas hésiter pas à prendre l’avion « quand un couturier me plaît. Aucune agence, ici, ne peut se le permettre ». Ses coups de cœur ? « Élie Kouame, qui est ivoirien. Non seulement ses créations sont superbes, très haute couture, très européennes, mais surtout, malgré sa réputation, il reste quelqu’un de modeste, ouvert aux autres. » Pour les femmes, le travail de Mireille Nzdoubou la fascine. Terre d’ici, raphia, écorces, coquillages, rythmiques séculaires. Et puis un modèle de mannequin aussi, la Somalienne Alek. « Capable de travailler pour les plus grands noms de la couture européenne, en gardant son âme africaine. »
Dorine a terminé, elle vide son jus d’orange. Sur son ordinateur, une dizaine de photos, noir et blanc. Théâtrale, comme l’était Grace Jones. Poses étudiées au millimètre, profils masaïs, corps tendu comme la sagaie. Africaine !