Elle a 25 ans et est étudiante en droit privé et marchés financiers. Critique littéraire, poétesse sénégalaise, elle s’appelle Mame Ngoné Faye. Retenez bien ce nom, ce visage, cette plume, car cette jeune femme a du talent ! Son livre, Épaves oniriques, est un recueil de poèmes à la métrique délicate, aux rythmes sensibles, et à la versification androgyne. Il est l’alter ego qui refuse le conformisme, « le reflet d’une vie inusable tachetée d’orgueil de la solitude, mais aussi d’éruptions de liberté. » Il est la dualité chez une artiste qui laisse sa vision sombre et pessimiste du quotidien être la source de son inspiration. Mame Ngoné Faye peint les portes de son univers en noir, elle colore sa détresse de chagrin et délivre l’éloquence d’une mélancolie cruelle et passionnée.
En plus d’une parfaite maîtrise des règles de la versification, dont beaucoup de poètes se sont affranchis depuis les surréalistes, Mame Ngoné Faye offre un travail minutieux, un ouvrage aux alexandrins, hémistiches, césures et autres figures de style à la musicalité parnassienne. Cependant, le recueil n’est pas une succession de strophes à l’esthétisme surjoué, il dénote aussi dans la poésie contemporaine africaine par son équilibre parfait entre la forme et le fond.
En effet, pour Mame Ngoné, au commencement était Baudelaire. Pour elle, il y aura toujours Baudelaire, muse de cette œuvre calligraphiée à son image, lui : le Poète maudit. L’auteure mise sur le symbolisme pour s’affranchir du Parnasse. Sa référence au spleen vocifère dans son poème « Passage à vide » qui exprime toute la quintessence du découragement et de l’isolement. Elle joue délicatement avec le romantisme évoquant un léger « moi » qui murmure dans « Caché entre les mots ». Elle flirte en calligramme avec Apollinaire : « le Fil du temps », son sablier de mots pour suspendre le temps dans son vol. C’est avec aplomb qu’elle confie « J’ai du talent » et brise le silence émotif de la frustration avec « Saveur que dalle ! ».
La solitude angoissante qui transparaît dans son œuvre est ce douloureux questionnement sur le sens de la vie, et les relations avec les autres, lorsque se tisse un lien ténu entre le beau et le laid, le bien et le mal, le bonheur et le malheur, l’idéal et le spleen. L’auteure a du talent ! Et à son âge, elle arrive à nous transporter jusqu’aux rivages des Illuminations rimbaldiennes. Épaves oniriques est « cet amour splendide, son féal », pris en otage dans la course du temps quand la mélancolie, l’envie d’ailleurs, l’orgueil, bâtissent les jolies confessions sur la beauté de l’horreur