Alors que deux tiers des pays membres de l’Onu n’appliquent plus la peine de mort – qui est toujours pratiquée en Chine et aux États-Unis –, c’est en Afrique que les abolitionnistes tentent de rallier les États à leur cause. Dix-sept pays de ce continent l’ont déjà supprimée de leur code pénal, tandis que vingt et un l’ont abolie de facto. Parmi ceux-ci, la République centrafricaine, où la dernière exécution capitale remonte à 1981, lorsque six hauts fonctionnaires ont été fusillés.
Mais Bangui est en train de passer dans la première catégorie. En prévision de l’arrivée d’une délégation de l’ONG Nessuno Tocchi Caino (« Ne Touchez pas à Caïn »), une émanation du Parti radical italien, le conseil des ministres centrafricain a approuvé le 9 octobre 2012 un projet de loi supprimant la peine capitale du code pénal. Le ministre de la Justice Jacques M’Bosso a signalé à la délégation que le texte a été envoyé à l’Assemblée nationale pour son adoption finale. Une campagne de sensibilisation du public devrait suivre, afin de ne pas heurter ceux qui croient encore que l’adage « œil pour œil, dent pour dent » est une réponse juste à opposer aux criminels. Conséquence de ce changement de cap, la Centrafrique votera en faveur de la résolution sur un moratoire universel pour les exécutions capitales, qui sera présenté à l’Assemblée générale de l’Onu durant la seconde moitié de décembre. Or elle s’était abstenue en 2008 et 2010.
La mission de cette ONG présidée par Marco Pannella, et dont l’ancien représentant spécial de l’Union européenne (UE) pour les Grands Lacs, Aldo Ajello, est un des présidents d’honneur, a été rendue possible grâce à l’appui du ministère italien des Affaires étrangères. Elle s’inscrivait dans la foulée de la Conférence régionale sur la peine de mort, organisée au Rwanda en octobre 2011 à l’initiative de l’ONG. Lors de l’ouverture de cette conférence, le président Kagame avait tenu à souligner : « La peine de mort n’est pas un moyen de dissuasion efficace et, aux victimes, elle n’apporte ni la paix ni la justice. Comment aurions-nous pu faire face aux conséquences sociales des exécutions de masse si nous avions appliqué la peine de mort aux auteurs de crimes de génocide ? » Le ministre rwandais de la Justice, Tharcisse Karugarama, avait ajouté : « Si le Rwanda, au lendemain d’un génocide qui a fait un million de morts, a renoncé à appliquer la peine de mort, d’autres pays peuvent le faire… »
La prochaine « cible » de l’ONG est le Tchad. Auparavant, elle s’était rendue en Sierra Leone et au Zimbabwe, « pays pour lequel nous ne sommes pas très optimistes », souligne la parlementaire Elisabetta Zamparutti. Une des priorités de l’ONG est également de percer le mur du secret. « De nombreux pays, autoritaires pour la plupart, ne donnent aucune information sur l’application de la peine de mort, fait-elle remarquer. L’absence d’information à l’égard de l’opinion publique est la cause directe d’un plus grand nombre d’exécutions. » Parmi les 44 pays non abolitionnistes en 2011 (soit 10 de moins qu’en 2005), 19 ont eu recours au châtiment suprême, pour plus de 5 000 exécutions au total. Avec, en tête du peloton la Chine (environ 4 000), l’Iran (676) et l’Arabie Saoudite (82).