Il s’agit avant tout d’une démarche militante. Je voulais rendre hommage à nos parents et à ceux venus d’ailleurs. Aujourd’hui, on a tendance à l’oublier, la France est constituée de différentes strates. Il y a eu de tout temps une immigration. Des Espagnoles, des Portugais, des Polonais, des Maghrébins, des Asiatiques, des Africains… Des Français venus d’ailleurs. J’emploie ce terme, car beaucoup de migrants ont été naturalisés et sont devenus français avec le temps. J’ai été particulièrement énervée par tout ce que j’ai pu lire et entendre lors de l’élection présidentielle. Une fois de plus, c’est l’immigré qui était désigné comme le bouc émissaire. Déjà, le débat sur l’identité nationale initié par l’UMP [le parti de droite de l’ancien président de la République, ndlr], qui, en fin de compte, a fait l’effet d’un pétard mouillé, m’avait fortement agacée… Une partie de la population avait été stigmatisée pendant des mois pour rien.
Ce livre s’adresse également aux Français dits de souche qui aimeraient découvrir l’histoire de leur pays. On sait qu’aujourd’hui un Français sur cinq a un parent immigré. Ce n’est pas rien. Enfin, je voulais montrer que l’immigré n’est pas celui qui vient piller les acquis sociaux et profiter de la largesse de la France. Souvent, ces immigrés sont des gens qui ont travaillé toute leur vie. Et on le ressent à travers les différents témoignages.
Quel est le témoignage qui vous a le plus bouleversée ?
Chacun m’a bouleversé à sa manière. Il faut savoir que sur la trentaine de témoignages récoltés, je n’en ai gardé que dix, ceux qui étaient susceptibles de toucher le plus de monde possible grâce à leur côté humain. Trois m’ont particulièrement marquée. Il y a l’histoire d’Anna, la Polonaise. Déportée pour travailler en Allemagne, elle se retrouve du mauvais côté du mur de Berlin à la fin de la guerre. Après cela, elle se retrouve en France et ne voit pas sa mère pendant vingt ans. Livrée à elle-même, elle découvre un nouveau pays, une nouvelle langue, mais arrive malgré tout à s’adapter.
Le témoignage de Juan, qui nous a quittés le 10 octobre dernier, est également saisissant. Il a traversé les Pyrénées à pied avec sa mère et son grand frère. Sa mère meurt en France, à quelques kilomètres de l’Espagne. Son frère meurt quelques mois plus tard et il se retrouve seul. Enfin, il y a le récit de Mériem, née du viol de sa mère par un militaire français en Algérie à la fin des années 1940. Elle en a écrit un livre qui s’intitule Je suis toujours partie. J’ai également recueilli les témoignages de fils d’immigrés qui ont réussi dans leur domaine et acquis une visibilité médiatique tout en gardant les pieds sur terre. Comme Nadir Dendoune, Berthet One ou encore Amelle Chahbi.
Vos projets ?
Je travaille actuellement sur deux livres. Un roman et un autre essai, toujours sur l’immigration. Le roman retrace l’histoire d’une femme venue du Maghreb et qui, après divers rebondissements, va occuper des fonctions importantes. Mais pour en savoir plus, je vous donne rendez-vous en septembre 2013.
Immigrations plurielles, témoignages singuliers, iEditions, 135 pp, 12 euros