Les aventures de Tintin, dans Le Lotus bleu, laissaient entrevoir un étrange et intrigant personnage. Dans une Chine en proie aux désordres de l’entre-deux-guerres, un jeune Chinois ressassait les propos de son antique maître à penser, Lao-Tseu : « Il faut trouver La Voie », le Tao. Nos yeux d’enfants découvraient alors, sans le comprendre, un des aspects les plus profonds de la civilisation chinoise. À côté du confucianisme, modelant la morale et les comportements de l’empire du Milieu, du bouddhisme, lui apportant sa métaphysique et sa religiosité, un troisième « enseignement », issu du terreau indigène, continue d’y cheminer depuis des millénaires, le taoïsme. Or ce culte, dépourvu des armatures rigoureuses des deux autres, est parvenu à les féconder, tout en adoptant largement des pans de leur héritage et en intégrant maints aspects des religions populaires, toujours vivaces.
Pour nous initier à cette voie, l’une de ses plus grandes spécialistes en a dressé un portrait magistral, largement exhaustif et pourtant condensé, dans un ouvrage devenu une référence. Afin de tirer la substantifique moelle de cette remarquable synthèse, il serait profitable de lire et relire d’abord sa conclusion, puis son introduction. Toute la richesse se révèle alors et on parcourt l’ouvrage avec d’autant plus de délectation qu’il est éclairé par plusieurs index thématiques, des renvois et une bibliographie.
Le taoïsme intègre et domine parfaitement les paradoxes du système bipolaire (mais pas dualiste) du yin et du yang. Tour à tour philosophie et savoir pratique, envolée mystique et ritualité précise, si ce n’est magique, retrait du monde (en vertu du principe de non-action) ou implication (dans des sociétés secrètes), recherche de l’immortalité ou du simple bien-être, il ne se réduit à aucun de ses aspects. Il encadre les principes traditionnels de la médecine et de la gymnastique (Qi gong) chinoises. Centré sur l’homme et sa place dans l’univers, sa conception cosmologique établit des correspondances entre le monde intérieur et celui qui l’entoure, s’attache à déterminer les conditions propres à chaque individu et le moyen pour lui de se couler harmonieusement dans son environnement en découvrant La Voie. N’y avait-il meilleur guide qu’Isabelle Robinet, si prématurément disparue, pour nous mener à travers les méandres d’un système riche, complexe et mouvant ?