Il y a à la fois un élan de bonheur et un souffle nostalgique dans le répertoire tantôt électrisant, tantôt méditatif de cette vocaliste atypique née en banlieue parisienne de parents tunisiens. Sourire flamboyant aux lèvres et une spontanéité immédiatement perceptible, Maya Shane se présente sur la scène avec un port de tête classieux, une féminité généreuse et une musique d’emblée entraînante, aux battements syncopés et aux textes engagés, où les airs vagabondent entre chansons françaises, volutes arabesques et frénésies kinoises.
Une énième star aux origines maghrébines qui, de l’autre côté de la Grande Bleue, tente sa chance avec un genre sous double influence franco-orientale et de mode R’n’B, assorti d’un message aux bons sentiments facilement audible.
Des stéréotypes qui jurent avec une personnalité beaucoup plus complexe, dotée d’un tempérament bouillonnant et constamment portée à réfléchir, à chercher la profondeur sans se fier aux apparences. Car, derrière les apparences, les clichés sont vite déjoués par cette chanteuse exubérante, à la voix souple et sucrée.
Serait-elle un pont entre l’Orient et l’Occident ? Sans doute. Mais, toujours à l’affût de découvertes, Maya ajoute une passerelle qui mène au coeur de l’Afrique noire, du côté du grand fleuve Gongo dont les rives accueillent les deux capitales les plus proches au monde, Brazzaville et Kinshasa, qui se regardent comme en un jeu de miroir. Ainsi, la jeune femme s’habitue de temps à autre à chanter en langue lingala et multiplie les expériences avec les artistes congolais.
Dans Les Couleurs de l’espoir, son troisième album paru en fin 2011, qui fait suite aux Filles d’Orient (2006) et à Révélation (2009), elle interprète l’un de ses titres emblématiques, « On vient tous d’un ailleurs », en duo avec le chanteur, chorégraphe et danseur Top-One Frisson, roi du soukouss dans son fief de Brazza-la-Douce. Ce n’était pas la première fois car, à l’époque où elle attendait son deuxième bébé, elle avait déjà enregistré « Mobali na ngai » (« Mon mari à moi ») avec Olivier Simonga, un autre chanteur du Pool Malebo, région lacustre des Congos.
Un éclectisme bien ordonné. La belle, en parolière fouillée, avec une subtile veine littéraire, soigne ses textes. Elle évoque les sujets brûlants de l’actualité (l’immigration, les guerres, les racismes) sans concession ni fausse pudeur, et le désenchantement nécessaire pour pouvoir enfin afficher ce brin d’espoir qui donne le titre à son album et l’envie de danser à ceux qui l’écoutent.
Ni Édith Piaf, ni Oum Kalthoum, Maya Shane évoque davantage la figure d’une Dalida, avec sa sensibilité pour les grandes causes et une tendresse toute particulière pour les damnés de la terre.