Une chaîne condamnée… mais pas les auteurs.
Pour avoir diffusé les images de l’assassinat barbare de Kadhafi, le 23 octobre dernier, e.tv (e.tv news et eNews Channel), la seule chaîne de télévision indépendante en Afrique du Sud, a dû payer 3500 euros d’amende. La Commission des plaintes de l’audiovisuel (BCCSA) a estimé, dans un communiqué, que la chaîne avait diffusé en boucle des images contraires au code de l’information et en ne prévenant pas les téléspectateurs de leur violence. La Commission a considéré que ce service avait diffusé « des détails inutiles sur l’attaque contre le colonel Kadhafi. » Cette décision pose la question de la censure, quand, comment et pourquoi. Ces images ont été largement diffusées sur internet et le sont toujours. Effectivement censurées par la quasi totalité des chaînes de télévision du monde, leur diffusion sur le net a permis de constater de visu la barbarie des « rebelles démocrates » soutenus diplomatiquement et militairement par l’Occident (et les monarchies du Golfe). Au moment où tous les médias du monde prônaient la « révolution » libyenne et la juste révolte populaire contre le « dictateur sanguinaire » Mouammar Kadhafi, de tels agissements montrés à la face du monde ne pouvaient que mettre à mal la campagne de médiamensonges visant à convaincre l’opinion publique internationale en général, occidentale en particulier, de la justesse de l’intervention des forces de l’Otan et de leurs supplétifs arabes du Golfe. Ailleurs, dans d’autres contextes, ces mêmes Occidentaux qui fixent les règles de la morale de guerre, auraient appelé cela un « crime de guerre ». Dans ce cas précis, ils se sont tus. Cela n’est pas sans rappeler la sauvagerie exercée contre Saddam Hussein, lors de son arrestation, ou l’arrestation manu militari, faisant des victimes co-latérales, d’Oussama Ben Laden. Des méthodes à la cow-boy, où les beaux principes de justice, de droits à la défense, de procès équitable, prônés par les mêmes en d’autres temps et d’autres lieux, ne pèsent plus lourd. Mascarades de procès suivie de pendaison (Saddam Hussein), lynchage (Kadhafi), expédition punitive (Oussama Ben Laden), funérailles secrètes dans la mer (Oussama Ben Laden) ou dans le désert (Kadhafi), sans aucun respect de la dignité humaine, tout cela n’est possible et accepté par les opinions publiques comme « normal » que parce que les images quotidiennes, les informations, les discours officiels, les médiamensonges, bref, tout l’arsenal habituel de mise en condition des peuples, font l’apologie de et pratiquent l’incitation à la violence. Pire, cet arsenal ne vise qu’un seul objectif, banaliser la violence d’État, le terrorisme d’État et la barbarie orchestrés par les puissants de ce monde. Sans doute e.tv aurait dû prévenir ses téléspectateurs de la violence des images. Mais la chaîne sud-africaine n’a certainement pas fait, comme on lui reproche, « l’apologie de la violence » interdite en Afrique du Sud, car ce n’est pas d’elle que vient la violence. Elle a informé sur le sort de l’homme au cœur de l’actualité du moment. Si violence il y a – et il s’agit ici de pure barbarie – c’est aux auteurs de ces violences qu’il faut s’en prendre en les arrêtant et les jugeant pour crime de guerre.