Les « faucons » de la CIA sont prêts pour le changement de régime en Iran, annoncé par Donald Trump. Un scénario désormais bien connu qui commence dans la rue et finit par la guerre.

– La main de la CIA dans la manipulation des reendications socio-économiques en Iran est trop visible.
Michael D’Andrea vient d’être nommé chef des opérations en Iran de la CIA, et ce n’est pas par hasard. Celui que l’on nomme aussi le « Prince Noir » ou « Ayatollah Mike », converti à l’Islam, est considéré comme le héros de la chasse à Oussaman Ben Laden et du programme d’assassinats ciblés par drones au Pakistan, en Afghanistan et ailleurs qui ont fait des centaines de morts dont de nombreuses victimes civiles innocentes.
En juin dernier, le Wall Street Journal rapportait que la CIA avait mis en place une cellule spéciale d’opération de déstabilisation en Iran : « La Central Intelligence Agency a établi une organisation concentrée exclusivement sur la collecte et l’analyse de renseignements sur l’Iran, signe de la décision de l’Administration Trump de faire de ce pays une cible à plus haute priorité pour les espions américains, selon des responsables américains. L’Iran Mission Center rassemblera des analystes, du personnel des opérations et des spécialistes de la CIA pour utiliser l’ensemble des compétences de l’agence, y compris les opérations secrètes. Pour diriger cette nouvelle unité, Mike Pompeo a choisi un vétéran du renseignement, Michael D’Andrea (l’un des responsables les plus acharnés de la CIA), qui a, récemment, supervisé le programme des frappes létales par drones de l’agence, et a été crédité par nombre de ses pairs pour les succès contre al Qaeda dans la longue campagne américaine contre le groupe terroriste. (…) D’Andrea, ancien directeur du Centre de contre-terrorisme de la CIA, est connu parmi ses pairs comme un patron exigeant mais efficace, et un converti à l’Islam qui travaille de longues heures. Certains hauts responsables ont exprimé leur inquiétude quant à ce qu’ils perçoivent comme une position agressive envers l’Iran. » (https://www.afrique-asie.fr/iran-le-soutien-americain-anticipe-aux-emeutiers-vise-un-plan-plus-large/ )
Michael D’Andrea a grandi dans une famille de Virginie dont les liens avec la CIA existent depuis deux générations. Il a rencontré sa femme qui est musulmane au cours d’une mission de la CIA à l’étranger et s’est converti à sa religion pour pouvoir l’épouser.
La nomination de Michael D’Andrea par le patron de la CIA, Mike Pompeo, un Républicain conservateur, en même temps que celle d’un nouveau chef du contre-terrorisme est sans aucun doute le signe d’une « approche plus musclée d’opérations secrètes » en Iran, comme l’écrivent Matthew Rosenberg et Adam Goldman, dans le New York Times (https://mobile.nytimes.com/2017/06/02/world/middleeast/cia-iran-dark-prince-michael-dandrea.html?referer ). L’Iran, où les États-Unis ne disposent pas d’ambassade ni de représentation officielle, reste un terrain difficile d’accès pour le renseignement américain. Qualifié d’ « État terroriste n°1 » par Donald Trump, il en est, avec la Corée du Nord, la cible privilégiée, particulièrement depuis l’accord sur le programme nucléaire iranien signé avec les six grandes puissances mondiales par l’Administration Obama.
Après avoir échoué dans sa guerre pour un « changement de régime » en Syrie, voire au Venezuela, c’est désormais sur l’Iran que se concentre la stratégie de la Maison Blanche et du Pentagone. Les « faucons de l’Iran » du Conseil national de sécurité (CNS) sont lâchés, appuyés sur le terrain par les opérations de déstabilisation de la CIA. Le Lieutenant-général H.R.McMaster, conseiller pour la sécurité nationale, est l’un de ces faucons qui, comme Derek Harvey, directeur au CNS pour le Moyen Orient, ont particulièrement affûté leurs armes dans les guerres d’Irak. Le NYT cite, également, Ezra Cohen-Watnik, conseiller du directeur du renseignement à la Maison Blanche, dont l’objectif est « d’aider à chasser le gouvernement iranien ».

– Des centaines de milliers de manifestants ont défilé dans plusieurs villes iraniennes pour dénoncer les ingérences américaines, israéliennes et saoudiennes
Le durcissement de la CIA dans la stratégie de « changement de régime » en Iran n’a rien d’étonnant. Son directeur, Mike Pompeo, représentant au Sénat américain du centre-sud du Kansas, a toujours été parmi les élus les plus critiques de l’accord sur le nucléaire. Et, selon le NYT, il a trouvé avec D’Andrea, connu pour son comportement brutal et revêche, « un drogué du travail » pour lui servir de « sentinelle en Iran ». Après les attentats du 9/11, Michael D’Andrea fut l’un des responsables du programme de détention et d’interrogatoire dont les actes de torture firent scandale et furent l’objet d’un rapport critique du Sénat, en 2014, le condamnant et le qualifiant d’ « inhumain » et d’ « inefficace ». Le rapport n’a, cependant, jamais été rendu publique dans sa totalité, et ne le sera sans doute jamais. Mais le résumé présenté aux élus amériains a suffi pour suggérer l’ampleur des exactions commises sous la responsabilité de D’Andrea.
On peut, également, mettre sur le compte des performances de Michael D’Andrea, l’assassinat par voiture piégée dans une rue de Damas, en 2008, d’Imad Mugniyah, le dirigeant du Hezbollah pour les opérations internationales, en partenariat avec le Mossad et la CIA. Lorsque l’affaire fut révélée par le Washington Post, en 2015, l’Administration justifia l’assassinat – sur demande d’Israël – comme un « acte de légitime défense nationale ». C’est à la même période, en 2008, que D’Andrea, devenu chef du contre-terrorisme, mit en place le programme d’attaques par drones, avec l’accord de Barack Obama. En 2010, la CIA lançait 117 attaques au Pakistan. Le programme fut, ensuite, étendu au Yémen et ailleurs.
D’Andrea a, aussi, connu des échecs. Le 30 décembre 2009, un agent d’al Qaeda travaillant pour la CIA qui pensait l’avoir complétement retourné, Humam Khalil Abu-Mulal al-Balawi, médecin jordanien, perpétrait un attentat suicide dans la base opérationnelle avancée de Chapman (Khost), en Afghanistan, qui abritait une installation secrète de la CIA. Cinq agents de l’Agence et deux employés de la société militaire privée Blakwater-Xe – fournisseur de mercenaires pour les opérations spéciales de la CIA, en Irak et en Afghanistan – étaient tués. En janvier 2015, un drone frappait un refuge d’al-Qaeda au Pakistan, où se trouvaient deux otages, un Américain, Warren Weinstein, et un Italien Giovanni Lo Porto, tous deux travailleurs humanitaires. Quelques mois plus tard, Michael D’Andrea était muté à un nouveau poste, chargé de contrôler l’efficacité des programmes des opérations secrètes.
La nomination de Michael D’Andrea ne laisse aucun doute sur les intentions de Donald Trump. L’Iran est bien sa nouvelle cible de « changement de régime ». Il l’a clairement et cyniquement écrit, le 1er janvier, dans un tweet : « Le grand peuple iranien est réprimé depuis des années. Il a faim de nourriture et de liberté. La richesse de l’Iran est confisquée, comme les droits de l’Homme. Il est temps que ça change ! », a-t-il déclaré. Dans la foulée, il règle un compte avec Barack Obama, ajoutant, « L’Iran échoue à tous les niveaux, malgré le très mauvais accord passé avec l’Administration Obama ». Plus cynique encore, il exprimait ses vœux pour 2018, dans un tweet posté le 31 décembre : « Quelle année nous avons passée ! Et ça ne fait que commencer ! Ensemble nous sommes en train de redonner sa grandeur à l’Amérique ! Joyeux Nouvel An ! »