La famine sévit au Soudan du Sud et surtout au Yémen, comme le relève le dernier rapport de l’Unicef. Comment cette horreur est-elle possible ? Comment tant d’êtres humains peuvent-ils ainsi souffrir de la faim ou de la malnutrition ? On peut estimer qu’il y a plusieurs raisons à cela.
Il y a avant tout, bien sûr, la guerre, qui empêche les paysans de semer et de récolter. S’agissant plus particulièrement du Yémen, comment ne pas pointer la responsabilité directe de la France, dont le président, François Hollande, a signé des accords d’armement avec l’Arabie saoudite pour 15 milliards d’euros ? Des armes qui sont utilisées par ce pays pour mener une guerre particulièrement meurtrière au Yémen.
La deuxième raison a trait à la situation de l’Organisation des Nations unies qui est chargée de l’aide humanitaire d’urgence : le Programme alimentaire mondial (Pam). En temps normal, ce dernier intervient déjà à travers le monde pour venir en aide à 91 millions d’affamés et de sous-alimentés. Le Pam doit acheter la nourriture sur le marché mondial. Or, les prix du maïs, du blé et du riz, aliments de base qui représentent 75 % de la consommation mondiale, sont sans cesse en augmentation, en raison notamment de la spéculation boursière. Dès lors, le Pam se trouve régulièrement dans l’incapacité de s’approvisionner en quantité suffisante. En revanche, les grandes banques font, quant à elles, des bénéfices astronomiques grâce, justement, à cette spéculation effrénée.
Autre élément d’explication, et pas des moindres : le Pam a un accord avec le Haut Commissariat aux réfugiés (HCR), aux termes duquel il doit assurer un approvisionnement alimentaire dans les camps qui prolifèrent. Le défi est de taille, car les réfugiés sont de plus en plus nombreux en raison du carnage en Syrie, en Irak et en Afghanistan. Plus de 60 millions d’hommes, de femmes et d’enfants vivent ce calvaire, une situation inédite dans l’histoire des Nations unies.
Le Pam voit donc ses capacités d’interventions réduites en raison de ces facteurs, mais pas seulement. Les contributions des pays occidentaux restent aussi fort insuffisantes. Si ce n’était pas le cas, l’organisation serait techniquement en mesure de réaliser ses missions et de sauver les enfants qui agonisent de faim.
Le Pam, que je connais bien, fait pourtant tout son possible. Mais il y a tout le temps des chauffeurs qui sont assassinés en Afghanistan, par les talibans, et en Irak. Les colonnes de camions humanitaires sont fréquemment pillées par les belligérants au Soudan du Sud et au Yémen. Quand elle ne peut plus transporter par voies terrestres, l’organisation fait des parachutages de nourriture, notamment au Soudan du Sud. Mais encore faut-il qu’elle ait vraiment les moyens de le faire…
Pour limiter ces terribles dégâts, il faut, en premier lieu, tout faire pour arrêter la guerre, notamment en cessant de livrer des armes françaises à l’Arabie saoudite, qui s’en sert pour massacrer les populations yéménites. Il importe aussi que les cotisations soient réellement à la hauteur des besoins, qu’elles permettent un approvisionnement suffisant en nourriture. Il faut enfin interdire immédiatement la spéculation boursière qui fait flamber les prix de produits de première nécessité.
(*) Auteur de Chemins d’espérance. Ces combats gagnés, parfois perdus et que nous remporterons ensemble (Seuil, 2016).