Le départ calamiteux et non concerté de l’imam Bajrafil de la Fondation al-Kawakibi, qui avait lancé un Forum pour la réforme de l’islam, a plongé la structure dans une crise profonde. Une crise nourrie par l’absence totale de soutiens officiels exprimés par les organes et les personnalités de l’islam de France après les menaces de mort adressées par Daech à al-Kawakibi.
Lancée officiellement à Paris le 21 avril dernier, la fondation al-Kawakibi pour une réforme islamique traverse des moments difficiles depuis que l’organisation extrémiste Daech a menacé de mort et qualifié ses membres d’apostats dans le numéro quatre de son magazine en français, Dar al-islam. Dans une vidéo publiée par le site oumma.com, l’un des participants de cette fondation, l’imam Mohamed Bajrafil, a dans la foulée annoncé son départ de la fondation pour des raisons obscures.
C’est le second départ pour al-Kawakibi qui avait déjà perdu la Directrice du Centre des études féminines en Islam, Asma Lamrabet. L’imam Bajrafil a dénoncé une campagne orchestrée contre le projet de réformisme islamique porté par al-Kawakibi. Une campagne présentant l’initiative comme une volonté politique de changer l’islam, de produire un islam républicain en lien avec des personnalités sionistes, allusion à la présence de l’académicien Alain Finkielkraut à la soirée de lancement. Précisément, l’annonce du lancement de la plate-forme al-Kawakibi avait fait l’objet de nombreuses critiques sur les réseaux sociaux prenant en grippe notamment Félix Marquardt, un homme de réseau converti à l’islam et Adnan Ibrahim, célèbre imam et prédicateur musulman autrichien accusé dans les milieux salafistes de crypto-chiisme.
h1></div>
«Des personnes ont été très exposées à des attaques»
Des accusations rejetées par l’imam d’origine comorienne qui a déclaré, dans une clarification faite sur ses intentions et l’objectif initial qui l’animait, ne pas avoir envie d’avoir «des ennuis avec qui que ce soit» face aux proportions subites prises par la polémique.
Une décision qui a surpris ses confrères qui ont appris la nouvelle au même moment que le public. Tout comme ses affirmations selon lesquelles la fondation Al Kawakibi «ne va même plus exister». Le site communautaire islam info qui jouit d’une audience importante fait partie des médias qui ont publié de nombreux articles à charge contre les acteurs d’al-Kawakibi, alimentant la rumeur et relayant même des attaques personnelles contre Marquardt dans un de leurs articles. La crise interne au sein d’al-Kawakibi est donc significative et la pression subie par les participants de ce projet réformiste, réelle, l’accusation d’apostasie étant recevable de la peine de mort dans plusieurs avis religieux. Omero Marongiu-Perria, qui participe activement à cette dynamique, témoigne pour Zaman France de l’atmosphère vécue par ses coreligionnaires. «Beaucoup de pression, on est à bout, des personnes ont été très exposées à des attaques et des calomnies très fortes à leur encontre, les gens peuvent se sentir en danger», confie-t-il à Zaman France.
Aucun soutien de l’islam institutionnel
D’autant qu’aucun soutien officiel, ni aucune condamnation des institutions musulmanes françaises (CFCM, UOIF, RMF, GMP) ou des leaders d’opinions habituellement loquaces sur ces sujets, n’ont été exprimés sur cette menace de mort de l’organisation Daech contre les membres d’al-Kawakibi. Questionné sur un éventuel manque de préparation et de structuration dans le lancement de leur projet de réflexion collective sur l’islam, Oméro dément. «Le problème de fond n’est pas un problème de préparation. Il y a une minorité très active qui a réussi à s’imposer comme les gardiens du temple et qui obligent les leaders religieux à se positionner sur une approche extrêmement littéraliste. C’est difficile de résister par rapport à cela», déclare-t-il. Pour le moment, l’heure est à l’accalmie à al-Kawakibi. Une concertation interne et une réflexion devraient être menées sur la suite à donner à l’aventure réformiste. Un communiqué devrait être rapidement publié.
Source : Zaman France