Le gouvernement islamiste de Rabat, plutôt que d’apporter son soutien à la stratégie anti-syrienne de l’Otan et des monarchies du Golfe, ferait mieux de s’occuper avec autant de zèle du sort du peuple sahraoui.
L’alignement de la diplomatie marocaine sur les monarchies du Golfe et les pays occidentaux vis-à-vis de la Syrie, comme auparavant vis-à-vis de la Libye, est à la fois incompréhensible et non productif.
Pour certains observateurs, cet alignement, particulièrement applaudi par les islamistes, ne sert nullement les intérêts nationaux marocains à moyen et à long terme. Particulièrement au moment où les principaux alliés arabes et occidentaux du Maroc sont en train de revoir leur stratégie syrienne, à la lumière du double veto russe et chinois d’un côté et surtout en raison de la capacité du régime syrien non seulement à se maintenir au pouvoir, mais également à venir à bout des derniers foyers insurrectionnels à Homs, Idleb et Daraa.
Le paradoxe, souligne certains observateurs, c’est qu’au moment où le Maroc apporte son soutien à une opposition syrienne extérieure en perte de vitesse, sous prétexte de défense des droits de l’Homme en Syrie, il oublie qu’il est lui-même engagé dans une répression sans merci contre les Sahraouis. Si le régime syrien sort renforcé de cette épreuve, il y aurait un risque de le voir apporter un soutien multiforme à la cause sahraouie. Ce serait la réponse du berger à la bergère.
Pour certains observateurs, les autorités marocaines, en autorisant à Casablanca, une marche anti-syrienne, organisée par le mouvement islamiste non légal, Al-Adl Wal Ihsan, au moment même où la secrétaire d’État américaine, Hillary Clinton achevait sa visite au Maroc, ont voulu envoyer un signal d’allégeance et de soumission aux États-Unis, où le Roi Mohammed VI s’y trouve. Un signal reçu cinq sur cinq par un haut responsable américain qui accompagnait Mme Clinton, qui a rappelé, en s’en félicitant, que c’était ce pays qui a présenté au nom de la Ligue arabe le projet de résolution sur la Syrie, auquel la Russie et la Chine ont opposé leur veto.
Et comme pour enfoncer le clou, sans ménager la susceptibilité du Maroc, la secrétaire d’État américaine Hillary Clinton a choisi ce pays même pour lancer sur son sol son appel à l’armée syrienne pour organiser un coup d’État contre le régime de Bachar al-Assad ! Des propos qui contredisent totalement ceux prononcés la veille à Alger, qui a une position équilibrée sur la Syrie, et auparavant sur la Libye. « Les États-Unis, avait-elle déclaré devant son homologue algérien Mourad Medelci, apprécient les réflexions et les opinions algériennes sur ce qui se déroule dans la région ».
Survenant après la conférence des « amis du peuple syrien » de Tunis, un vrai fiasco en passant, le Maroc a voulu montrer son excès de zèle anti-syrien, en autorisant la marche de Casablanca où 20 000 personnes selon les organisateurs et 6 000 d’après la police, menées principalement par l’association Al Adl wa Ihsan, mouvement islamiste radical le plus important du Maroc, ont scandé, faisant échos à l’exhortation de Hillary Clinton, la chute du régime de Damas et que Bachar al-Assad soit « jugé par le Tribunal pénal international (TPI) pour crime contre l’humanité ». Ils ont également exigé le départ de l’ambassadeur de Syrie à Rabat comme ils ont appelé les pays arabes à rompre leurs relations diplomatiques avec le régime Al-Assad.
Cette hostilité marocaine au régime de Damas n’est pas du goût de la majorité de l’opinion publique qui estime que le gouvernement ferait mieux de s’occuper d’une situation intérieure des plus inquiétantes : chômage, sécheresse, corruption.
Jawad Kerdoudi, président de l’Institut marocain des relations internationales se demande si le royaume a-t-il réellement les capacités et un poids diplomatiques suffisant pour influer sur la situation syrienne. « Il est positif, dit-il, que le Maroc apporte son soutien à l’opposition syrienne, nous avons tout de même en Syrie, un chef d’État qui massacre son peuple ! Néanmoins le soutien apporté par le Maroc est purement symbolique. Les grands pays comme les États-Unis ou la France n’ont même pas réussi à résoudre le conflit, comment voulez-vous qu’un petit pays comme le Maroc le fasse ».