Dans un entretien au journal le Monde à l’occasion de la sortie de son dernier brûlot Journal d’un prince banni chez Grasset, le cousin du roi, surnommé « le prince rouge », qualifie le règne de Mohammed VI d’ « « un rendez-vous raté avec l’Histoire ». Concernant le sujet tabou du Sahara, il préconise une solution « qui va forcément devoir intégrer des principes de droit international. » Extraits.
Pourquoi publier aujourd’hui un livre que vous avez commencé à écrire en 2007 ?
Moulay Hicham El- Alaoui : Dès le début des années 1990, j’ai peu à peu conquis ma liberté — ma liberté critique et ma liberté intellectuelle. Non seulement je l’ai conquise, mais je l’ai défendue bec et ongles. Ce livre est le couronnement de cette libre pensée à laquelle je suis très attaché. Petit à petit, j’ai subi une transformation qui m’a rendu étranger, non au Maroc, mais étranger à la famille et au milieu dans lesquels j’ai grandi. J’ai senti que, dans mon itinéraire, une séquence était fermée, et aussi que quelque chose avait profondément changé avec le « printemps arabe ». Tout ce que j’ai dit pendant des années trouve maintenant une actualité brûlante.
Je veux éclairer les gens, contribuer au débat et, dans ce cas précis, faire comprendre une partie de l’histoire contemporaine de mon pays. Je suis allé au cœur du réacteur. Beaucoup diront : « Vous êtes tombé du carrosse et vous cherchez à revenir. » Non. Dans ma culture, ce n’est pas comme cela que l’on revient. On revient en intriguant, en faisant amende honorable.
Vous affirmez ne prétendre à aucun rôle, mais vous ne vous interdisez rien…
C’est exact. On ne sait pas de quoi est fait l’avenir. Si l’occasion se présentait, j’apporterais ma contribution, mais je ne crois pas que cela viendra du Palais. Cela dépend de l’interaction de forces à un moment particulier : va-t-on vers un scénario de rupture, de changement apaisé ? Aucune idée ! Mais j’ai quitté ma maison, et je n’y reviendrai pas.
(…)
Quelle solution pour le Sahara occidental, qui reste un problème épineux ?
Le Maroc bute sur le Sahara parce qu’il n’a pas de projet de démocratisation. Le problème du Sahara est le même que celui du Maroc : au lieu d’engager les gens sur une base citoyenne, on les a engagés sur des bases clientélistes. Et le clientélisme ne donne rien. Cette décentralisation va forcément devoir intégrer des principes de droit international. Je veux m’en tenir là, parce que si je dis « autodétermination », nous allons entrer dans des qualificatifs de « traître à la patrie », etc. Mais forcément, cette décentralisation doit être au diapason du droit international. Tout le reste est une question de négociations.
Source : Le Monde
https://abonnes.lemonde.fr/afrique/article/2014/04/04/le-regne-de-mohammed-vi-un-rendez-vous-rate-avec-l-histoire_4395809_3212.html