Pour la famille de la victime, l’impunité n’est plus acceptable. « Nul n’est au-dessus de la loi », ont crié les manifestants réclamant que justice soit faite.
De nombreux manifestants ont crié vendredi 8 mars à Fès (centre du Maroc) leur colère en réclamant que « toute la lumière soit faite » sur l’assassinat en 1993 de l’étudiant gauchiste Benaissa Aït El Jid, dont le crime n’a pas encore été totalement élucidé. Malgré les appels incessants de sa famille et de ses amis pour que justice leur soit rendue, cette affaire « traîne sans aucune raison », selon sa famille.
Très affectée, celle-ci réclame, 20 ans après les faits, la réouverture de ce dossier afin que « d’autres responsables de ce crime soient jugés », notamment Abdelali Hami Eddine, membre du secrétariat général du PJD, dont le chef est le Premier ministre Abdalilah Benkirane. A l’époque des faits, Hami Eddine était un militant au sein de la faction estudiantine islamiste «Islah wa Tajdid», branche du parti «Tawhid wal islah», actuel PJD.
Une plainte adressée au ministre de la Justice et des Libertés Publiques, l’islamiste Mustapha Ramid (PJD), comportait plusieurs noms accusés par la famille d’Aït El Jid, dont celui d’Abdelali Hami Eddine. Or, le ministre n’a toujours pas ordonné une nouvelle enquête sur cette affaire, visant notamment l’un des dirigeants de son parti.
Les manifestants ont scandé des slogans appelant « à la fin de l’impunité, à la réouverture de ce dossier et à la fin de l’extrémisme religieux dans les facultés ». « Les agresseurs courent toujours », ont-ils déploré avant de se recueillir sur le lieu où avait été mortellement agressée Benaissa Aït Jdid.
Connu pour ses convictions politiques de gauche, il était responsable au sein de la commission transitoire universitaire où étaient représentées toutes les factions historiques de l’Union Nationale des Etudiants du Maroc (UNEM).
Le drame est survenu, le 25 février 1993, après des débats houleux au sein de la faculté de droit entre étudiants de gauche et ceux se réclamant de l’islamisme. Un groupe d’étudiants, affiliés à deux factions islamistes alliées, Al Adl Wa Al Ihsan (Justice et Bienfaisance) et Al Wahda wat-Tawasoul (Unité et Communication), affiliée à L’islah wa Taouhid, futur Parti de Justice et Développement (PJD), interceptent alors un taxi à proximité du campus universitaire de Fès dans lequel se trouvaient deux étudiants, AÏt El Jid et Haddioui El Khemmar, tous deux appartenant à une faction gauchiste. Les deux étudiants, extirpés du taxi et sauvagement agressés. L’étudiant Aït El Jid succombera, le 1er mars 1993, à ses blessures et à un sévère traumatisme crânien.
Un premier procès avait alors condamné un prévenu, Omar Mouhib, membre de la mouvance Al Adl wal Ihsane, à deux années de prison, un verdict jugé « trop clément » par la famille de la victime. Pour la famille de la victime, l’impunité n’est plus acceptable. « Nul n’est au-dessus de la loi », ont crié les manifestants réclamant que justice soit faite.
Abdelali Hami Eddine avait purgé deux ans dans la prison de Ain kadouss de Fès, avant d’être relâché.Haddioui El Khemma, le témoin, qui partageait le taxi avec la victime au moment de leur agression, avait déclaré avoir reconnu Hami Eddine en tant que participant à l’agression de Benaissa Ait El Jid. La famille espère que le dossier sera rouvert malgré les éventuelles conséquences politiques.
Par Philippe Tourel
Afrique Asie
9 mars 2013