Tombouctou craint de ne jamais récupérer les manuscrits sauvés par ses « héros invisibles » et stockés à Bamako.
Les responsables du Centre de recherche et de documentation Ahmed Baba de Tombouctou avaient eu la bonne idée de déplacer des milliers de manuscrits précieux en sa possession pour éviter qu’ils ne tombent dans les mains des islamistes d’AQMI. Transportés dans des malles métalliques, soigneusement emballés, ces documents datant pour certains du IXème siècle et écrits en arabe, mais aussi en grec, latin, français, anglais et allemands, ont circulé secrètement à bord de bus, voitures, pirogues vers Bamako, grâce à des bénévoles soucieux de préserver leur trésor commun.
Ainsi, ce sont 25000 documents du Centre et des milliers d’autres appartenant à des familles qui ont pu quitter Tombouctou au nez et à la barbe des occupants grâce à ces « héros invisibles ». Et ils ont eu raison, car, comme les Talibans avaient détruits les statues monumentales de Bamiyan en Afghanistan, les islamistes ont mis le feu à deux librairies du Centre détruisant des milliers de documents numérisés et des ordinateurs. Le travail de numérisation avait commencé six mois auparavant.
À Bamako, le Dr Abdoulkadri Maïga veille sur ces manuscrits et des centaines de milliers d’autres (300 000 avec les documents appartenant à des familles). Selon lui et les autorités de Bamako, et malgré le désir exprimé des habitants et des savants, scientifiques et chercheurs de Tombouctou, il est cependant encore trop tôt pour revenir au Centre. À Bamako, pourtant, le retard pris dans les mesures de conservation a provoqué une grave dégradation de nombre d’entre eux. En outre, les promesses formulées par la directrice-générale de l’UNESCO de sauvegarder ce patrimoine malien « une partie vitale de l’identité et de l’histoire du pays fondamentale pour son futur » n’ont pas été tenues. « Sa restauration et sa reconstruction (du Centre) donnera au peuple du Mali la force et la confiance de reconstruire l’unité nationale et de regarder vers l’avenir » avait-elle déclaré en février dernier.
« Tombouctou sans manuscrit n’a aucune valeur et les manuscrits sans Tombouctou n’ont aucune valeur », répond le Centre qui considère avec beaucoup de scepticisme, d’inquiétude et de frustration la décision de l’UNESCO d’un plan à long terme de restauration et de digitalisation des manuscrits au Luxembourg et se demande s’il les reverra un jour.