Attaque terroriste contre des Occidentaux dans la région de Bamako : est-ce un échec pour la Minusma ? La question du renforcement de son mandat et de « l’imposition de la paix » par les armes se pose désormais.
Une nouvelle attaque djihadiste a endeuillé Bamako le 18 juin dernier. Cinq personnes – trois civils et deux militaires – y ont laissé la vie, tandis que la quarantaine de personnes présentes sur les lieux sont toujours sous le choc, certaines ont même été blessé en tentant d’échapper aux agresseurs. L’opération a été revendiquée par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans, une branche ou une dissidence d’Al-Qaeda au Maghreb islamique.
Clairement destinée à frapper et tuer les Occidentaux présents dans l’établissement de vacances qui a été pris pour cible, le mode opératoire de cet attentat ressemble à celui utilisé en mars 2016 dans la station balnéaire de Grand Bassam, en Côte d’Ivoire, ou encore au restaurant La Terrasse et à l’hôtel Radisson Blu, en 2015 à Bamako. S’il n’y a pas eu davantage de victimes, c’est bien grâce à la présence, parmi les clients, de militaires de la Mission de formation de l’Union européenne au Mali (EUTM Mali), dont un membre a d’ailleurs été tué, et de la Mission multidimensionnelle intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali (Minusma). Ils ont pu s’emparer de leurs armes et riposter aux terroristes.
De toute évidence, il faut désormais considérer que les groupes terroristes sont une menace à la fois pour le processus de paix en œuvre au Mali, et pour la Minusma elle-même. Ce qui relance le débat sur la « militarisation » des opérations de maintien de la paix des Nations unies : alors que certains observateurs la déplorent, d’autres y perçoivent au contraire un ajustement nécessaire pour faire face aux défis nouveaux qui surgissent sur des terrains d’opérations de plus en plus difficiles. Comme au Mali, mais aussi en République démocratique du Congo.
Peut-on parler d’échec pour la Minusma ? Imposer la paix par la force implique que la mission devienne acteur dans le conflit, ce qui rend impossible le respect des trois principes clés de toute intervention onusienne : impartialité, non-recours à la force sauf en cas de légitime défense ou de défense du mandat, et consentement des différentes parties du conflit à la présence de Casques bleus. En outre, les rapports d’étape de la Minusma – comme d’autres opérations africaines des Nations unies d’ailleurs – font apparaitre que l’approche militaire ne peut pas constituer un substitut durable à la solution politique.
Pourtant, depuis sa création en 2013, la Minusma fait l’objet de discussions au sein du Conseil de sécurité quant à la pertinence d’un mandat plus robuste que celui actuellement en cours. Elle est actuellement mandatée pour « empêcher le retour d’éléments armés » dans les zones proches de Bamako et dans la capitale elle-même, ce qui la rend de facto impliquée dans le conflit. Elle en paie d’ailleurs le prix : entre 2013 et janvier 2017, elle a perdu 72 membres dans des attaques. Mais est-ce pour autant une bonne solution ?
Il apparait également que les objectifs du gouvernement malien sont différents de ceux de la communauté internationale. Pour cette dernière, ce sont les terroristes – al-Qaeda au Maghreb islamique, le groupe Al-Mourabitoune de Moktar Belmoktar – qui sont sa préoccupation majeure à court terme, la sortie de crise devant obligatoirement passer par la mise en application de l’Accord d’Alger, travail de longue haleine. Pour le pouvoir, ce sont les rebelles touarègues qui sont ses adversaires principaux et pour gérer le défi qu’ils représentent, il n’est pas nécessaire de passer par l’Accord d’Alger. Bamako et ses partenaires internationaux ne partagent donc pas la même vision, ce qui est pourtant la condition sine qua non pour la réussite de toute opération antiterroriste.
Au menu du G5 Sahel du 2 juillet, auquel s’est rendu le président français Emmanuel Macron, il a été question de redéfinir avec précision quelles sont les objectifs à court et long terme et quelles peuvent être les stratégies à déployer tant pour le Mali, que pour ses quatre voisins, Mauritanie, Niger, Sénégal et Tchad. Faute de quoi, les coûteuses opérations militaires actuellement engagées pourraient bien être réduites drastiquement.