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Après un début de mandat chaotique, le président consolide son pouvoir en remportant les sénatoriales.
Après une année 2015 qui a failli le laisser sur le bord de la route, le président Hery Rajaonarimampianina, intronisé en janvier 2014, peut aborder la suite de son mandat plus serein. Le nouveau Sénat, sur lequel il compte beaucoup pour consolider son pouvoir face à une Assemblée nationale versatile, est enfin en état de marche. Avec, à sa tête, Honoré Rakotomanana, 82 ans, que les 63 sénateurs ont choisi de mettre au perchoir le 9 février, un poste qu’il avait déjà occupé en 2001-2002.
Les deux tiers des représentants de la Chambre haute (42) ont été élus par 90 % des 12 664 grands électeurs, lors des sénatoriales du 29 décembre 2015, les premières depuis la dissolution du Sénat par Andry Rajoelina après sa prise du pouvoir début 2009. Et un large succès pour le parti de Rajaonarimampianina, le Hery Vaovao ho an’i Madagasikara (HVM), qui a obtenu 34 sièges, d’après les résultats officiels annoncés par la Haute Cour constitutionnelle le 22 janvier. Les autres grands partis de l’opposition, le Tim de Marc Ravalomanana et le Mapar d’Andry Rajoelina, n’ont décroché respectivement que 3 et 2 sièges, et le Leader Fanilo 1 siège. Exit tous les autres.
Le chef de l’État devait désigner les 21 membres relevant de son « quota constitutionnel » pour compléter le Sénat. Étant déjà assuré de la majorité, on s’attendait à ce qu’il fasse montre d’une large ouverture, gage d’unité nationale mais aussi injonction expresse dans la Loi fondamentale. Rajaonarimampianina a préféré faire un choix largement politique. L’ouverture a bien eu lieu, mais elle est de façade. Incarnée par Honoré Rakotomanana, certes proche de l’ex-président Rastiraka (insignifiant dans le rapport de force politique), mais aussi conseiller juridique officieux du chef de l’État et seul candidat à s’être présenté à la présidence du Sénat. Parmi les 21 choisis par le président, aucun membre du Tim et du Mapar – ou alors en dissidence ouverte –, des ministres quittant leur poste, des membres de formations proches de la mouvance présidentielle, quelques étiquettes diverses peu hostiles au pouvoir, et trois personnes issues du privé.
« Pourquoi ouvrir à des gens qui ne soutiennent pas notre politique ? », a argué le camp du pouvoir. Pourquoi, en effet, puisque son objectif était clairement de stabiliser l’assise présidentielle et, par là même, les institutions, après la longue crise politique (2009-2013), les incertitudes de début de mandat – trois premiers ministres la première année ! – et, surtout, la vive tension entre les députés et le chef de l’État. En mai 2015, une majorité d’élus avait demandé la déchéance du président, sauvé par la Cour constitutionnelle. Un mois plus tard, les députés déposaient une motion de censure contre son gouvernement, rejetée in extremis grâce au désistement de certains lors du vote…
Il faut dire que Rajaonarimampianina, présenté à la présidence de 2013 par une simple association, le HVM, et soutenu par Rajoelina avant leur rupture, n’a aucun représentant à l’Assemblée. Et l’agrégat de formations censé composer la mouvance présidentielle s’est avéré plus qu’instable en 2015. Le président a compris qu’il devait s’appuyer sur un vrai parti s’il voulait aller au bout de son quinquennat. Et a mis en place une stratégie politique intelligente que ses adversaires – qui le prennent toujours pour un épiphénomène – ont négligée. Il a d’abord transformé le VHM en parti politique. Puis a présenté ses candidats aux communales de juillet 2015, qu’il a remportées. Or, les grands électeurs aux sénatoriales sont les maires et les conseillers municipaux… D’où la victoire logique du HVM au Sénat, institué en contre-pouvoir de l’Assemblée.
Le remaniement annoncé du gouvernement devrait autoriser Rajaonarimampianina à remplacer certains ministres du Mapar et du Tim par de purs HVM… Reste que, pendant que beaucoup d’énergie a été engagée pour consolider son pouvoir, rien n’a été fait pour améliorer l’ordinaire des Malgaches, plus que jamais accablés par la pauvreté, l’insécurité, la corruption et le pillage des ressources. Ils doivent encore voter pour les régionales et les provinciales, et, pourquoi pas, pour des législatives anticipées si le président se sent le vent en poupe. Attendront-ils jusque-là ?